On ne sait pas vivre sans glaciers

On ne sait pas vivre sans glaciers

On ne sait pas vivre sans glaciers, génétiquement, on n’a pas ça dans notre ADN. Si on perd les glaciers, on va vers quelque chose où l’on sort complètement des radars de l’histoire de l’humanité, de l’histoire récente du vivant sur la planète, et on prend quand même des gros risques.

Jean-Baptiste Bosson, glaciologue

En 2050, à cause des émissions de gaz à effet de serre, tous les glaciers des Pyrénées et 34% du volume de glace dans les Alpes européennes auront disparu. Quelles sont alors les conséquences de la fonte des glaciers ? Biodiversité, écosystèmes, ressources, territoires, populations… Les conséquences semblent être multiples

Bien que les glaciers nous paraissent parfois lointains, nous sommes intimement liés à eux, et leur fonte extrêmement rapide et massive est un phénomène inédit auquel nous devons prêter la plus grande attention comme le dit si bien Jean-Baptiste Bosson.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de rappeler qu’il s’agit de parler des glaciers condamnés et dont la fonte à grande échelle est inévitable. Il reste de nombreux glaciers de montagne à préserver.

Sommaire des enjeux abordés dans l’article :

  • Un bouleversement de la biodiversité et des écosystèmes
  • Des sécheresses à répétition et une gestion de l’eau perturbée
  • Faire face à une instabilité climatique en montagne et dans les pratiques
  • Les glaciers, de véritables régulateurs du climat
  • Comment sommes-nous liés aux glaciers ?
Un bouleversement de la biodiversité et des écosystèmes

Le recul des glaciers de montagne affecte tout d’abord la nature elle-même, avec toute sa biodiversité et ses écosystèmes. D’après le GIEC, la composition et l’abondance des espèces de montagne ont considérablement changé avec la réduction des couvertures neigeuse et glaciaire. Les espèces locales sont de plus en plus menacées, notamment pour celles qui dépendent directement de la glace. Quand les glaciers disparaissent, c’est tout un habitat naturel qui disparaît avec eux : c’est le cas notamment du petit invertébré tardigrade qui vit auprès des glaciers.

Comme nous le rappelle Jean-Baptiste Bosson, “La nature a horreur du vide. Si on perd quelque chose d’un côté, on gagne quelque chose de l’autre”. Là où vivaient les glaciers auparavant, on observe l’apparition de nouveaux habitats vêtus de cailloux de sédiments, de nouvelles rivières, de nouveaux lacs, de nouvelles pelouses… ainsi que l’arrivée de nouvelles espèces dans ces zones comme le cerf, ayant besoin de forêt pour vivre.

Mais ce phénomène ramène de la compétition entre les espèces avec le développement d’espèces “exotiques” envahissantes pour celles déjà installées depuis longtemps. La fonte des glaciers questionne donc les différentes habitabilités de la Terre et tend à bouleverser la biodiversité actuelle.

Des sécheresses à répétition et une gestion de l’eau Perturbée

Les glaciers permettent de réguler le courant des rivières qui va inévitablement être perturbé par leur fonte. Sur le long terme, comme la régénération glaciaire est réduite, le volume d’eau qui coule dans les rivières de montagne sera de plus en plus faible et rendra les périodes de sécheresse de plus en plus intenses.

« Les glaciers sont comme un immense compte en banque à la base, qui se superpose au cycle de l’eau. Ce compte en banque devient très petit et de ce fait, les débits diminuent parce qu’on perd de ce surplus qu’était le stock. »

Jean-Baptiste Bosson, glaciologue

Cette image est frappante et nous invite à économiser drastiquement ce stock. Au vu des sécheresses de l’été 2022 et de l’hiver 2023, cet enjeu est de la plus haute importance. Les glaciers de montagne sont les châteaux d’eau de nombreuses régions du monde, et permettent de mettre en place l’irrigation et l’énergie hydro-électrique. Tous ces phénomènes vont être affectés et avoir des impacts sur nos usages quotidiens, sur l’agriculture, ainsi que sur l’électricité, en touchant en priorité les populations locales.

Selon les années, les glaciers des Alpes représentent environ 40% du débit du Rhône. Sans glaciers, le débit du Rhône tend à diminuer drastiquement, surtout en été où le besoin en eau est le plus important. La vallée du Rhône, avec environ 12 000 000 habitants et une grande zone de production maraîchère, va être fragilisée. De plus, l’eau sera de plus en plus chaude et les centrales électriques seront plus difficiles à refroidir.

En mars 2023, le lac des Bouillouses dans les Pyrénées-Orientales, alimenté par les précipitations et les glaciers, a vu stopper sa production hydroélectrique par manque d’eau. L’eau et les glaciers sont une richesse énergétique essentielle, aujourd’hui mise en péril. Et pour en savoir plus sur les glaciers des Pyrénées, retrouve notre article sur le sujet ici.

Faire face à une instabilité climatique en montagne et dans les pratiques

L’été, les fortes chaleurs et la fonte des glaciers accélérée engendrent une hausse du débit des rivières. En été 2023, cela a été difficile pour certains refuges, notamment dans les Ecrins. Alors que certains ont fermé par manque d’eau, la fonte des glaciers combinée à des orages violents ont provoqué des crues torrentielles comme au refuge Châtelleret dans l’Oisans où certaines installations ont été endommagées par un torrent de boue emportant avec lui d’énormes blocs de pierre. Ces crues-là sont amenées à se répéter, provoquant un risque récurrent à prendre en compte.

Les glaciers représentent un héritage culturel précieux dans nos vallées. L’effondrement de ce patrimoine naturel va avoir des effets néfastes sur nos pratiques en montagne qu’il est nécessaire de réinventer. En termes de sécurité, certains itinéraires deviennent dangereux dû à des éboulements dévastateurs. On se rappelle de l’effondrement d’une partie du glacier de la Marmolada en Italie en 2022 qui a provoqué la mort de plusieurs personnes. En France la même année, l’accès au couloir du Goûter pour l’ascension du Mont Blanc était interdite à cause de chutes de pierres dues à l’assèchement du couloir. Dans certaines régions, des pratiques sont amenées à disparaître : le club alpin français de Perpignan n’a pas pu organiser de sorties de cascade de glace en 2024 comme c’était le cas auparavant. 

Il est aussi important de relever que les activités en montagne sont directement liées au tourisme et à l’économie locale, qui risquent également de souffrir de la fonte des glaciers qui inquiète notamment les guides de haute montagne.

Luc Moreau

Arthur Vaillant

Les glaciers : de véritables régulateurs de climat

Les glaciers, en couvrant 10% des terres émergées de la planète, ont un véritable rôle de régulateurs du climat. Connu sous le nom d’effet albédo, leur surface blanche contribue à renvoyer une grande majorité du rayonnement solaire et à réguler le réchauffement planétaire et leur fonte. Pour en savoir plus, retrouve notre article sur le lien entre neige et glace ici.

« La température de l’eau des rivières sur plus que 100 km, en s’éloignant des glaciers du  Massif du Mont-Blanc, est encore de 13° alors que les autres rivières sans glaciers autour ont une température de l’eau d’environ 20°. » Ce que veut nous dire Jean-Baptiste Bosson, c’est que les glaciers permettent de créer des microclimats, auxquelles on s’est habitués et sur lesquels on s’est développés, en ventilant et rafraîchissant tout une vallée par exemple. 

Ils permettent aussi aux scientifiques de surveiller les évolutions du climat. En effet, la neige, en se compactant pour devenir de la glace, va piéger des bulles d’air. En les analysant, nous pouvons connaître l’histoire du climat avec la composition de l’atmosphère depuis 800 000 ans.

Les glaciers sont nos meilleurs alliés pour comprendre ce qui s’est passé jusqu’à maintenant depuis les 800 000 dernières années.

Et sans l’Homme, il n’y a pas de changement climatique profond en ce moment sur Terre. Aujourd’hui, aucun pays ne respecte ses engagements climatiques et ne comprend l’urgence de l’enjeu. Il y a un boulot énorme à faire et on écoute pas assez cette voix des glaciers.

Jean-Baptiste Bosson, glaciologue

Leur perte signifie une réduction des données disponibles pour observer les futurs changements du climat à l’échelle locale, alerter sur ces derniers et les anticiper. Et, rappelons-le, le travail des scientifiques est primordial pour nous permettre d’agir sur le changement climatique et anticiper au maximum. Ce dont ils témoignent n’est pas le fruit d’un changement naturel mais bien d’un changement dû activités humaines qu’il est essentiel de prendre en compte. Ce que l’on vit est inédit et doit nous alerter quant aux nouvelles conditions d’habitabilité de l’humain sur la planète Terre. Peut-être est-ce dans l’écoute de ce que les glaciers ont à nous dire que nous devons user de nos efforts ?

Comment sommes-nous liés aux glaciers ?

Les glaciers, les forêts, les animaux, n’importe quoi qui te connecte à la nature, plus tu t’y connecte, plus ça s’horizontalise, et tu te rends compte que tu fais partie de cette bonne histoire des glaciers. Mais les glaciers, comme le phoque, comme la petite fleur qui pousse sur ton balcon, la biodiversité, le vivant, le non vivant sur Terre, tout ce qui nous entoure, tout cela nous rattache à l’histoire de la vie, au cosmos, à nos enfants qui arriveront après nous, ça nous connecte à une grande ligne qui parle d’un passé lointain et qui va très loin dans le futur et dans laquelle on est un tout petit maillon. 1

Jean Baptiste Bosson, glaciologue

Depuis l’existence de l’homo sapiens il y a 300 000 ans, les grands glaciers ont toujours été présents en influançant le climat dans lequel on vit et dans lequel on a développé notre habitabilité. Sans glaciers, la température de la Terre serait beaucoup plus élevée et le niveau marin beaucoup plus haut.Comme mentionné au début de l’article, pour Jean-Baptiste, c’est très clair : “On ne sait pas vivre sans glacier, génétiquement, on n’a pas ça dans notre ADN. Si on perd les glaciers, on va vers quelque chose où l’on sort complètement des radars de l’histoire de l’homme, de l’histoire récente du vivant sur la planète et on prend quand même des gros risques.”

Parce que c’est aussi cela, ressentir les conséquences de la fonte des glaciers, c’est nous questionner sur leur place dans ce monde et son rôle important, plus encore que notre propre existence. Ils sont avant nous habitants et composantes de la Terre, mais souffrent d’autant plus de ce réchauffement climatique qui nous accable. Qu’attendons-nous pour écouter cette voix qui nous alerte ?

Il est urgent d’agir pour préserver les glaciers qui résistent encore aux effets du changement climatique, ce qui ne se fera pas sans une volonté collective et politique forte dans le sens de la réduction des émissions de gaz à effets de serre.

Par Nicolas Vaillant, bénévole La Voix des Glaciers.


  1. Réflexion inspirée de la mention du livre de Bernadette Bensaude-Vincent intitulé “Temps-paysage: Pour une écologie des Crises”. Elle nous invite à penser l’humain et le non-humain -vivant et non vivant- sur une même échelle. A savoir que nous sommes tous composés de lignes et que l’enchevêtrement de ces lignes forme notre existentialité au sein même du paysage. Il s’agit alors de sortir de notre situation surplombante pour nous plonger dans l’immanence et reconsidérer ce qui nous entoure, ici la nature..

Aventure Bénévole : les Pyrénéens au Glacier d Ossoue

Aventure Bénévole : les Pyrénéens au Glacier d Ossoue

Le 5 septembre 2023, Emmanuel, Laura et Caroline de la team Pyrénées ont participé à une sortie de l’association Moraine (l’Observatoire des Glaciers des Pyrénées françaises). Ils ont accompagné le glaciologue Pierre René pour effectuer des mesures et comprendre les transformations du glacier d’Ossoue, le plus grand des Pyrénées françaises (25ha en 2022). Il s’agit de la deuxième fois où Moraine et POW se retrouvent depuis 2020, et nous avons déjà écrit des articles pour parler des glaciers pyrénéens ici.

Dans les Pyrénées, les glaciers ont perdu 90% de leur superficie depuis 1850 et sont condamnés à disparaître, représentant de véritables reflets du changement climatique. Le glacier d’Ossoue se situe sur le massif du Vignemale (3298m) entre 2770 et 3200m d’altitude. La petite team POW y a donc retrouvé Pierre René afin de s’intéresser aux variations de l’épaisseur du glacier qui constitue le paramètre le plus représentatif de son comportement, afin de rendre compte de sa fonte. De mai à octobre, Pierre René s’y rend tous les mois afin d’en mesurer l’ablation, c’est-à-dire la quantité de glace qui a fondu. Pour ce faire, il utilise des balises d’ablation constituées de 5 piquets en bois de 2m de long implantés dans la glace.

Les mesures effectuées le 5 septembre 2023 sont dramatiques et confirment l’état extrêmement critique du glacier. Sur l’une des balises, les chiffres étaient particulièrement stupéfiants : pendant le mois d’août seulement, 2,05m avaient fondu, soit pratiquement 7cm par jour. 

Ce chiffre assez effroyable permet de réaliser l’ampleur de la fonte du glacier d’Ossoue, et se dire qu’il y a un mois on aurait été sous la glace est assez terrifiant. C’est vraiment émouvant d’être sur cette étendue de glace qui fond sous nos pieds, ce patrimoine qui s’effondre, et c’est tellement important de s’intéresser au travail des scientifiques pour réaliser ce qu’il se passe
Laura, bénévole POW France

Le glacier d’Ossoue a perdu 40m d’épaisseur depuis 2001, presque 2m par an. Toutefois, “cette tendance est peut-être en train de s’accélérer” explique Pierre René.
“L’année dernière, en 2022, il a perdu 4,50m d’épaisseur, plus du double. Cette année, à partir des mesures qui ont été faites – même si on est encore sur des relevés intermédiaires puisque le bilan se fera en octobre – – on est déjà à 3m de glace perdus. Donc on est à nouveau bien au-dessus de la moyenne. Cette diminution du glacier d’Ossoue se poursuit, et semble peut-être s’accélérer.”

Après avoir effectué ce travail de terrain essentiel pour comprendre l’ampleur de la fonte du glacier, une question nécessaire s’est posée : quels en sont les impacts ?

Pierre René a également fait part de son expertise sur ce sujet primordial. En premier lieu, on va inévitablement faire face à une perte de biodiversité qui vit dans cet environnement de haute montagne et dépend de la glace. La pratique de la haute montagne est également affectée, l’accès aux sommets devenant difficile à cause des éboulements ainsi que de la multiplication de roches à gravir. À ce titre, au mois d’août, certains bureaux des guides ont cessé de proposer l’ascension de l’Aneto (point culminant des Pyrénées à 3404m, côté espagnol).

 

Le rôle premier des glaciers pyrénéens est d’être des lanceurs d’alertes, des reflets du climat. À travers leur disparition, on voit un signal d’alerte supplémentaire de ce réchauffement global
Pierre René, Glaciologue

Pierre René évoque aussi un impact plus esthétique, avec “une transformation irréversible, au moins à court terme, des paysages de haute montagne”. Il rappelle tout de même que les impacts restent limités pour les glaciers pyrénéens car ils sont très petits, mais qu’ils doivent devenir des symboles du changement climatique en France et dans les régions de montagne en général. Comme il l’a bien souligné : le rôle premier des glaciers pyrénéens est d’être des lanceurs d’alertes, des reflets du climat. À travers leur disparition, on voit un signal d’alerte supplémentaire de ce réchauffement global. Les glaciers sont de véritables indicateurs de l’état de santé de la Terre, permettant de mesurer l’ampleur du changement climatique et de ses effets qui y sont directs.
“On a souvent du mal à se rendre compte de l’urgence climatique. Le rythme effréné à laquelle ce glacier fond l’incarne parfaitement. Pour ce glacier il est déjà trop tard, mais il y a tant de choses à faire , et ne pas faire, pour sauver les autres” complète Caroline qui se veut optimiste.

“Cette expérience de terrain fut enrichissante, tant pour être témoin en temps réel des effets dévastateurs du changement climatique que de permettre à notre petite communauté pyrénéenne de se rencontrer pour partager quelque chose de concret” s’est exprimé Emmanuel en guise de conclusion.

Cette belle équipe pyrénéenne n’attend qu’une chose : s’agrandir et se retrouver à nouveau dans ses beaux massifs. N’hésitez pas à nous écrire alors pour rejoindre la team POW ! 😉 Pour ça, vous pouvez directement vous rendre sur notre site ici, ou nous écrire à l’adresse benevoles@protectourwinters.fr !

Pour aller plus loin sur le sujet des glaciers on vous conseille cette vidéo et sachez que si vous êtes dans les Alpes, on a de nombreux groupes locaux également, avec qui vous pourriez venir vivre d’autres aventures similaires !

REJOINS DES COLLECTIFS PRES DE CHEZ TOI

REJOINS DES COLLECTIFS PRES DE CHEZ TOI

Ce projet a été construit avec la vocation et l’ambition de vous donner les clés pour agir, vous, amoureux.ses de la montagne, citoyen.nes engagé.es en faveur du climat…
Maintenant que les choses sont lancées, que le cadre est préparé, on a besoin de vous pour que la braise s’enflamme ! 

Aujourd’hui, quelque soit ton profil, ton aide est précieuse ! Que ce soit pour organiser des projections, que ce soit pour relayer nos différents contenus sur les réseaux ou autour de toi, que ce soit pour aider des personnes qui sont en train d’organiser des soirées… Bref, t’as compris, on a besoin de tout le monde !

On sait que c’est pas forcément simple pour tout le monde de se lancer tout seul, alors si t’es motivé.e mais que tu hésites, on peut te mettre en lien avec d’autres gens !

Dans la communauté Protect Our Winters France, on a des groupes locaux bénévoles dans différentes régions : des Vosges à Grenoble en passant par Lyon, la Savoie, la Haute-Savoie, les Pyrénées, Paris…
Ecris nous et on fera le maximum pour t’aiguiller et te mettre en lien avec des personnes proches de toi géographiquement ou te donner des pistes pertinentes ! ➡️ lavoixdesglaciers@gmail.com

Et n’hésite pas à en parler autour de toi, on a besoin de toutes les aides possibles :

  • ➡️ Toute personne motivée pouvant aider à organiser des projections : membres d’associations étudiantes, salles de spectacles/cinéma, élu.es locaux, membres d’un CSE…
  • ➡️ Toute personne ayant un peu de temps pour des missions à distance pour aider l’équipe bénévole

Tous ensemble on peut faire pencher la balance, alors on compte sur toi ! 

 

 

 

 

Glaciologie sur le glacier d’Ossoue

Glaciologie sur le glacier d’Ossoue

Emmanuel est membre des POW Locals dans les Pyrénées. Il nous partage aujourd’hui un récit inspiré de sa sortie sur le glacier d’Ossoue, le 1er août dernier.

« Samedi 1er août 2020, 7h du matin au départ du barrage d’Ossoue (65) en direction du Vignemale, ça fait longtemps que j’attendais ce moment.
J’accompagne Pierre René, le seul glaciologue des Pyrénées en charge du suivi de l’évolution du glacier d’Ossoue à ce jour, le plus grand de la chaîne côté français. Il est perché à 3200m d’altitude au pied d’un mini cirque comptant quelques 3000 connus dont la pique longue du Vignemale (3298m). Pour assurer ce suivi officiel Pierre a créé l’association Moraine en 2001.

Après 3h de marche et 1400m de dénivelé je foule le front du glacier.
Les relevés s’engagent selon un quadrillage cartographique précis. L’Ossoue qui forme une grande cuvette est divisé en 7 secteurs distincts des côtés au centre. En début de saison Pierre René enfonce des bâtons articulés dans la neige jusqu’à atteindre la glace. Tous les mois de mai à octobre, il vient faire des relevés pour suivre l’évolution de la fonte en mesurant la réduction d’épaisseur. Sur chaque point de relevé il sonde également l’épaisseur de neige restante jusqu’au glacier. Ces informations lui permettront d’estimer les volumes de fonte qu’il communique régulièrement à divers organismes publics (Parc National des Pyrénées, région Occitanie, Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique, observatoire national Glacioclim, observatoire international WGMS).

Le verdict est sans appel : en seulement un mois le glacier d’Ossoue s’est abaissé de 3m d’épaisseur ! Mi-août il sera de nouveau à nu, exposé aux températures positives et aux rayons solaires, ce jusqu’à l’arrivée des premières neiges, prévues fin septembre dans le meilleur des cas. 45 jours de souffrance..
Certes il ne s’agit que de la neige de l’année qui fond mais précisons que ce n’est que par la lente transformation de celle-ci en glace, un processus qui peut prendre entre 4 et 5 ans, qu’un glacier peut se maintenir voire se régénérer. Pierre m’explique que depuis qu’il mesure la fonte du glacier d’Ossoue dès 2001, il n’a pu constater qu’une année réelle de recharge en 2013. Souvenez-vous, c’était l’hiver du siècle avec ses historiques records de neige pyrénéens. Faudrait-il pour que les glaciers nous survivent avoir des conditions similaires tous les ans ? Très certainement si nous n’infléchissons pas sur notre empreinte carbone…

Les mesures se terminent et je quitte le plus grand glacier des Pyrénées françaises avec un profond sentiment de tristesse. Combien de temps lui reste-t-il encore à vivre ? L’an dernier il avait déjà perdu le volume de 900 000m3 d’eau… Au delà de leur rôle essentiel sur l’équilibre hydrique et le climat de notre territoire, les glaciers sont aussi les symboles éternels de nos hivers, faisant un trait d’union d’une saison à l’autre. Vouloir protéger nos hivers en agissant à son échelle sur son bilan carbone c’est donner un peu de souffle à ces splendides étendues blanches qui ne sont pas éternelles.
Protect Our Winters sert aussi à transmettre cela. »

Adhérer à Moraine permet à Pierre René de soutenir financièrement ses relevés et vous ouvre la voie à la connaissance des glaciers au travers des diverses sorties de terrain qu’il organise entre juin et septembre. Il est également l’auteur d’un splendide livre sur l’histoire de glaciers pyrénéens.

Pour plus d’infos à propos l’ Association Moraine :
Village de Cathervielle (31110)
asso.moraine@wanadoo.fr
http://asso.moraine.free.fr/

Glaciologie sur le glacier d’Ossoue

Rencontre: POW et les riders.euses du GFS Camps

As t’on le droit de s’engager dans la lutte contre le climat quand l’industrie à laquelle on souhaite appartenir a un impact certain sur ce dernier? C’est avec cette question que nous avons commencé nos discussions avec les jeunes riders et rideuses qui participaient cet été au GFS Camps sur le Glacier de Tignes.

Ces jeunes, passionné.es de ski et de freestyle, passent un mois en été sur le glacier en compagnie de formateurs et de riders pros pour perfectionner leur style et pousser toujours plus loin les limites de leur sport. Cependant, cette année plus particulièrement, ils et elles ne sont pas aveugles et constatent comme tout ceux qui le fréquentent les changement qui affectent le glacier, et le peu de neige qu’on y trouve en été année après année. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que cette année, l’exploitation estivale a été arrêtée plus tôt. En outre, les riders qui les accompagnent ont eux aussi fréquentés le park glaciaire quand ils étaient plus jeunes, et n’ont d’autres choix de constater les altérations de grandes envergures qui s’y sont produits.

POW_X_GFS_CAMPS

Comment, dès lors que l’on participe à cette grande industrie, prendre parole en faveur du climat, témoigner de ce que l’on voit auprès de sa communauté et du grand public, mais continuer à vivre de sa passion?

En échangeant avec les pros, les jeunes nous ont fait part de leurs questions, des sujets environnementaux qui les choquent, du  manque de pouvoir qu’ils ressentent parfois face à la situation, mais de leur envie de se saisir de ces sujets également. Loin de vouloir cacher leurs contradictions, les jeunes du camps GFS ont ainsi réfléchi à comment utiliser leur position particulière pour faire avancer la situation et réduire leur impact. Du choix d’un sponsor qui proposent de l’équipement responsable et durable, au partage de trucs et astuces du quotidien, en passant par la volonté de pratiquer majoritairement leur sport prêt de chez eux, les idées foisonnent de leur côté. Ils ont également permis aux athlètes professionnels présents avec eux de prendre du recul sur leur propre situation, les encourageant à leur parler plus de ces sujets à travers les différents canaux, malgré les contradictions qui les habitent, comme elles font parties de nous tous.

Enfin, pour mettre se mettre en action, les jeunes et leurs accompagnants ont organisés avec la Mairie de Tignes un ramassage de déchets sur les pistes du domaines. Tout n’a bien sûr pas pu être ramassé, mais ils ont pu ainsi agir après leur réflexions et expérimenter le plaisir de se voir être acteur du changement que l’on souhaite tous vivre.

Merci encore à PG et GFS Camps pour leur accueil, Pacôme et 686 pour l’invitation, aux jeunes pour leur attention et leurs réflexions, à Léo Taillefer, Laurent De Martin et tous les pros présents pour les discussions et l’accompagnement des jeunes.

Nous ne sommes pas parfaits, et c’est tant mieux, cela nous offre une multitude d’options et d’actions à entreprendre pour protéger nos hivers, et les glaciers en été!!