
La France Championne d Europe du train ?
La France : championne d’Europe des subventions pour le train ?!
Beaucoup de choses ont Ă©tĂ© dites concernant les trains en France ces derniĂšres semaines. La semaine derniĂšre, on vous a parlĂ© des annonces dâEmmanuel Macron liĂ©es aux projets de RER dans 10 grandes villes. Quelques temps avant, le gouvernement dĂ©gainait un autre 49.3 pour barrer la route Ă un budget de 3 milliards d’euros dâinvestissements dans le ferroviaire votĂ©e par lâAssemblĂ©e Nationale.
Encore avant, le 24 octobre dernier, ClĂ©ment Beaune, ministre dĂ©lĂ©guĂ© des transports, annonçait sur France Info que la France Ă©tait le pays dâEurope qui subventionnait le plus son systĂšme ferroviaire. Cette sortie a fortement Ă©tĂ© critiquĂ©e sur les rĂ©seaux.
La France est-elle vraiment championne dâEurope du train ? On fait le point sur tout ça !
Un contexte compliqué
Lâextrait que vous voyez sur la vidĂ©o ci-dessus rĂ©pond aux propos du PDG de la SNCF, Jean Pierre Farandou, qui expliquait en septembre dernier que, suite Ă la hausse des prix de lâĂ©nergie, les charges de lâentreprise risquent dâaugmenter dans les alentours de 1.6 milliards dâeuros. Le dirigeant estime le besoin dâinvestissements dans la SNCF Ă hauteur de 100 milliards supplĂ©mentaire sur 15 ans, alors que le contrat signĂ© en fĂ©vrier dernier entre lâEtat et SNCF RĂ©seau est bien en deçà . Celui-ci promet une enveloppe Ă©levĂ©e Ă 2.8Mds dâeuros par an consacrĂ© Ă la maintenance afin de pouvoir faire face Ă ses dettes en 2024. Le problĂšme, câest que lâensemble des acteurs, du SĂ©nat Ă la SNCF, en passant par lâAutoritĂ© de rĂ©gulation des transports tirent la sonnette dâalarme et jugent ce contrat pas assez ambitieux. Un constat qui contraste avec les propos de ClĂ©ment Beaune.
La France, vraiment le pays européen qui subventionne le plus ?
Tout dâabord, il est intĂ©ressant de comprendre les diffĂ©rents coĂ»ts liĂ©s au fonctionnement du train. PremiĂšrement, le personnel est lâun des coĂ»ts les plus important (2.74Mds âŹ) suivi des coĂ»ts de maintenance (2.56Mds âŹ). Afin de financer ces coĂ»ts, la SNCF doit payer des frais de pĂ©ages qui ont pour objectif de rĂ©nover les voies. Ces coĂ»ts sont deux fois plus Ă©levĂ©s en France que dans le reste de lâEurope (8.19⏠par km contre 3.76⏠en moyenne en Europe). DâaprĂšs Patricia PĂ©rennes, Ă©conomiste spĂ©cialisĂ©e dans le secteur des transports ferroviaire, cela est dĂ» Ă un rĂ©seau vaste dans lequel lâĂ©tat nâa que trĂšs peu investi. De plus, la part du rĂ©seau de lignes Ă©lectrifiĂ© reste faible en France, comparĂ© Ă ses voisins (60% contre 70% pour lâItalie, 100% pour la Suisse et 88% pour le Belgique) donnant lieu Ă de nombreux travaux dâĂ©lectrification des lignes.

Une fois les bases posĂ©es, quâen est-il ?!
Un rapport publiĂ© par la Commission EuropĂ©enne en 2018 montre que la moyenne de compensations publiques dans lâensemble en euros par train par km est aux alentours de 10.51⏠pour lâEurope tandis quâen premiĂšre position, nous retrouvons la France avec 27.30âŹ. La France est donc le pays qui subventionne le plus la circulation des trains. ClĂ©ment Beaune a raison, fermez les rideaux (?)
Câest en rĂ©alitĂ© un peu plus compliquĂ© que ça. On a mentionnĂ© quâil existait diffĂ©rents coĂ»ts liĂ©s au ferroviaire pour une bonne raison.
La 1Ăšre position de la France sâexplique notamment par la subvention des billets de TER Ă hauteur de 80% alors que le reste de lâEurope ne subventionne ses billets quâĂ 68%. Les rĂ©gions subventionnent donc de maniĂšre consĂ©quente les billets de train.
En revanche, ce nâest pas (du tout) le cas pour la subvention des infrastructures. Et câest lĂ que ça pose problĂšme ! Comme dit plus tĂŽt, lâun des principaux coĂ»ts est la maintenance des trains et des infrastructures. Le billet dâun train ne couvre que 1/5 du prix total. La principale raison est le nombre de petites lignes non ou trĂšs peu utilisĂ©es. On avait posĂ© pas mal de bases sur le sujet dans notre prĂ©cĂ©dent article Ă retrouver ici oĂč lâon explique pourquoi la France a un train de retard.

Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e par Allianz Pro Schiene, montre la France en derniĂšre place au niveau des subventions des infrastructures avec 45 euros par habitant en 2021, bien en dessous de ses voisins avec le Luxembourg en tĂȘte dont les subventions atteignent 607 euros. En effet dans son rapport annuel 2021, la SNCF dĂ©cortique ses subventions . Si les aides publiques du systĂšme ferroviaire ont atteint les 7 milliards dâeuros en 2020, SNCF RĂ©seau, qui gĂšre les rails, ne reçois que 2.73 Mds dâeuros tandis que les subventions en Allemagne dĂ©diĂ©s aux infrastructures atteignent les 4.3 milliards dâeuros par exemple.
Alors oui, sur un pan de la rĂ©ponse ClĂ©ment Beaune a raison, mais il omet complĂštement « lâabandon » de lâĂtat concernant les infrastructures, câest-Ă -dire le dĂ©veloppement du ferroviaire pour les annĂ©es Ă venir.
Que doit faire l’Etat ?
Les besoins en subvention du systĂšme ferroviaire sont dĂ»s Ă des infrastructures qui vieillissent ainsi quâun manque de personnel important. Comme lâexplique Yves Crozet, Ă©conomiste des transports, le train souffre dâun manque dâinvestissements publics depuis « au moins 15 ans ». « Les gouvernements successifs se sont plutĂŽt polarisĂ©s sur les TGV » au dĂ©triment des petites lignes.
Cette situation a mĂȘme installĂ© un cercle vicieux, puisque le manque dâinvestissements dans les infrastructures fait que ces derniĂšres vieillissent, donc coĂ»te plus cher en entretien etc. Aujourd’hui la SNCF a accumulĂ© de nombreuses dettes qui atteignent les 30 Mds dâeuros Ă fin 2021. MalgrĂ© les aides publiques, cette dette ne fait quâaugmenter dĂ» aux charges trĂšs Ă©levĂ©es de personnel et de maintenance. La tendance du train en France est depuis trop longtemps : faire plus avec moins de moyens.
Non seulement les prĂ©cĂ©dents gouvernements ont eu des visions court-termistes sur le ferroviaire, mais ils ont dĂ©laissĂ© les infrastructures, pour miser sur ce qui tendait Ă devenir rentable : les TGV. Aujourdâhui, on sait que cette vision nâest plus possible. Toutes les petites lignes de France ne seront pas rentables demain. Certaines ne le seront peut-ĂȘtre mĂȘme sans doute pas avant trĂšs longtemps voire jamais. Mais investir dans le ferroviaire est obligatoire pour rĂ©ussir notre transition Ă©nergĂ©tique et rĂ©duire lâimpact de nos voitures partout, ça ne doit plus ĂȘtre une question.
Si certains espĂšrent que lâouverture Ă la concurrence incarnera le miracle qui viendra sauver les trains en France, aujourdâhui, au vu des enjeux et de la taille du chantier auquel nous faisons face, se cacher derriĂšre ce qui, au mieux ne suffira pas et au pire ne sera qu’un mirage, ne paraĂźt pas ĂȘtre la bonne option. Il nây a certes pas « dâargent magique » mais il nây a pas de « climat magique » non plus.
Si ClĂ©ment Beaune aime la comparaison avec nos voisins europĂ©ens, on ne peut quâespĂ©rer quâil jette un coup dâĆil sur le tournant que sont en train de prendre des pays voisins comme lâAllemagne, lâEspagne, l’Autriche ou encore la Suisse et quâun virage majeur Ă Ă©chelle europĂ©enne soit pris en faveur du ferroviaire !
Christophe BĂ©chu a annoncĂ© rĂ©cemment quâun plan « de dizaines de milliards dâeuros » devrait ĂȘtre dĂ©voilĂ© dĂ©but 2023. Affaire Ă suivre…