La France Championne d Europe du train ?

La France Championne d Europe du train ?

La France : championne d’Europe des subventions pour le train ?!

Beaucoup de choses ont été dites concernant les trains en France ces dernières semaines. La semaine dernière, on vous a parlé des annonces d’Emmanuel Macron liées aux projets de RER dans 10 grandes villes. Quelques temps avant, le gouvernement dégainait un autre 49.3 pour barrer la route à un budget de 3 milliards d’euros d’investissements dans le ferroviaire votée par l’Assemblée Nationale.
Encore avant, le 24 octobre dernier, Clément Beaune, ministre délégué des transports, annonçait sur France Info que la France était le pays d’Europe qui subventionnait le plus son système ferroviaire. Cette sortie a fortement été critiquée sur les réseaux.
La France est-elle vraiment championne d’Europe du train ? On fait le point sur tout ça !

Un contexte compliqué

L’extrait que vous voyez sur la vidéo ci-dessus répond aux propos du PDG de la SNCF, Jean Pierre Farandou, qui expliquait en septembre dernier que, suite à la hausse des prix de l’énergie, les charges de l’entreprise risquent d’augmenter dans les alentours de 1.6 milliards d’euros. Le dirigeant estime le besoin d’investissements dans la SNCF à hauteur de 100 milliards supplémentaire sur 15 ans, alors que le contrat signé en février dernier entre l’Etat et SNCF Réseau est bien en deçà. Celui-ci promet une enveloppe élevée à 2.8Mds d’euros par an consacré à la maintenance afin de pouvoir faire face à ses dettes en 2024. Le problème, c’est que l’ensemble des acteurs, du Sénat à la SNCF, en passant par l’Autorité de régulation des transports tirent la sonnette d’alarme et jugent ce contrat pas assez ambitieux. Un constat qui contraste avec les propos de Clément Beaune.

La France, vraiment le pays européen qui subventionne le plus ?

Tout d’abord, il est intéressant de comprendre les différents coûts liés au fonctionnement du train. Premièrement, le personnel est l’un des coûts les plus important (2.74Mds €) suivi des coûts de maintenance (2.56Mds €). Afin de financer ces coûts, la SNCF doit payer des frais de péages qui ont pour objectif de rénover les voies. Ces coûts sont deux fois plus élevés en France que dans le reste de l’Europe (8.19€ par km contre 3.76€ en moyenne en Europe). D’après Patricia Pérennes, économiste spécialisée dans le secteur des transports ferroviaire, cela est dû à un réseau vaste dans lequel l’état n’a que très peu investi. De plus, la part du réseau de lignes électrifié reste faible en France, comparé à ses voisins (60% contre 70% pour l’Italie, 100% pour la Suisse et 88% pour le Belgique) donnant lieu à de nombreux travaux d’électrification des lignes.

 

Une fois les bases posées, qu’en est-il ?!

Un rapport publié par la Commission Européenne en 2018 montre que la moyenne de compensations publiques dans l’ensemble en euros par train par km est aux alentours de 10.51€ pour l’Europe tandis qu’en première position, nous retrouvons la France avec 27.30€. La France est donc le pays qui subventionne le plus la circulation des trains. Clément Beaune a raison, fermez les rideaux (?)
C’est en réalité un peu plus compliqué que ça. On a mentionné qu’il existait différents coûts liés au ferroviaire pour une bonne raison.
La 1ère position de la France s’explique notamment par la subvention des billets de TER à hauteur de 80% alors que le reste de l’Europe ne subventionne ses billets qu’à 68%. Les régions subventionnent donc de manière conséquente les billets de train.
En revanche, ce n’est pas (du tout) le cas pour la subvention des infrastructures. Et c’est là que ça pose problème ! Comme dit plus tôt, l’un des principaux coûts est la maintenance des trains et des infrastructures. Le billet d’un train ne couvre que 1/5 du prix total. La principale raison est le nombre de petites lignes non ou très peu utilisées. On avait posé pas mal de bases sur le sujet dans notre précédent article à retrouver ici où l’on explique pourquoi la France a un train de retard.

Une étude réalisée par Allianz Pro Schiene, montre la France en dernière place au niveau des subventions des infrastructures avec 45 euros par habitant en 2021, bien en dessous de ses voisins avec le Luxembourg en tête dont les subventions atteignent 607 euros. En effet dans son rapport annuel 2021, la SNCF décortique ses subventions . Si les aides publiques du système ferroviaire ont atteint les 7 milliards d’euros en 2020, SNCF Réseau, qui gère les rails, ne reçois que 2.73 Mds d’euros tandis que les subventions en Allemagne dédiés aux infrastructures atteignent les 4.3 milliards d’euros par exemple.
Alors oui, sur un pan de la réponse Clément Beaune a raison, mais il omet complètement « l’abandon » de l’État concernant les infrastructures, c’est-à-dire le développement du ferroviaire pour les années à venir.

Que doit faire l’Etat ?

Les besoins en subvention du système ferroviaire sont dûs à des infrastructures qui vieillissent ainsi qu’un manque de personnel important. Comme l’explique Yves Crozet, économiste des transports, le train souffre d’un manque d’investissements publics depuis « au moins 15 ans ». « Les gouvernements successifs se sont plutôt polarisés sur les TGV » au détriment des petites lignes.
Cette situation a même installé un cercle vicieux, puisque le manque d’investissements dans les infrastructures fait que ces dernières vieillissent, donc coûte plus cher en entretien etc. Aujourd’hui la SNCF a accumulé de nombreuses dettes qui atteignent les 30 Mds d’euros à fin 2021. Malgré les aides publiques, cette dette ne fait qu’augmenter dû aux charges très élevées de personnel et de maintenance. La tendance du train en France est depuis trop longtemps : faire plus avec moins de moyens.
Non seulement les précédents gouvernements ont eu des visions court-termistes sur le ferroviaire, mais ils ont délaissé les infrastructures, pour miser sur ce qui tendait à devenir rentable : les TGV. Aujourd’hui, on sait que cette vision n’est plus possible. Toutes les petites lignes de France ne seront pas rentables demain. Certaines ne le seront peut-être même sans doute pas avant très longtemps voire jamais. Mais investir dans le ferroviaire est obligatoire pour réussir notre transition énergétique et réduire l’impact de nos voitures partout, ça ne doit plus être une question.
Si certains espèrent que l’ouverture à la concurrence incarnera le miracle qui viendra sauver les trains en France, aujourd’hui, au vu des enjeux et de la taille du chantier auquel nous faisons face, se cacher derrière ce qui, au mieux ne suffira pas et au pire ne sera qu’un mirage, ne paraît pas être la bonne option. Il n’y a certes pas « d’argent magique » mais il n’y a pas de « climat magique » non plus.
Si Clément Beaune aime la comparaison avec nos voisins européens, on ne peut qu’espérer qu’il jette un coup d’œil sur le tournant que sont en train de prendre des pays voisins comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Autriche ou encore la Suisse et qu’un virage majeur à échelle européenne soit pris en faveur du ferroviaire !
Christophe Béchu a annoncé récemment qu’un plan « de dizaines de milliards d’euros » devrait être dévoilé début 2023. Affaire à suivre…

 

 

GIEC : Ils disent qu ils voient pas le rapport

GIEC : Ils disent qu ils voient pas le rapport

Vous en avez sans doute entendu parler, le groupe 1 1 du GIEC (IPCC en anglais) vient de publier son nouveau rapport
Des nouveaux travaux extrêmement attendus puisque le dernier rapport du GIEC date de 2014.
Trois versions sont aujourd’hui accessibles : le rapport complet (3949 pages!), le résumé technique (159 pages) et le résumé à l’intention des décideurs (42 pages).

Chez POW on a lu ce dernier, et on voulait attendre la fin de ce qui aurait due être une tempête médiatique pour vous en parler… mais pas que !
Aujourd’hui on ne vous propose pas un énième résumé de ce que dit le rapport, ou un top des choses à retenir (la 7ème vous aurait surprise ! ).
On vous partage plutôt un recueil (loin d’être exhaustif) de contenus intéressants et sérieux produits par différentes personnes et structures, qui selon nous permettent d’aborder au mieux le sujet en répondant à toutes nos questions : Le GIEC c’est quoi ? C’est qui ? A quoi sert le rapport et qu’est-ce qu’il dit ? Est-ce que c’est fiable ? Comment leur travail s’est déroulé ? Que doit-on retenir ? D’autres rapports vont-ils sortir ? Est-ce que tout le monde l’a lu ? Bon, ça c’est la seule question à laquelle on ne peut pas répondre, mais pour laquelle on a quelque chose pour vous ! 

On ne peut que vous conseiller de naviguer entre les ressources que l’on vous propose et si vous le pouvez, de lire le résumé destiné aux décideurs 2
Spoiler : oui, les nouvelles ne sont pas bonnes.
En même temps, difficile d’être surpris quand on s’intéresse à la question climatique.
Les impacts sont déjà bien visibles lors de nos sorties en plein air et la succession des catastrophes climatiques des derniers mois nous rappellent que le réchauffement climatique, c’est partout, et surtout maintenant.
Si on le savait déjà, le GIEC vient mettre le couvercle sur tout cela en nous amenant un état des lieux des connaissances scientifiques sur le climat plus complet que jamais.
Il y a effectivement de quoi être alarmiste. Mais contrairement à ce que certaines personnes, certains médias peuvent laisser entendre, ce n’est pas le message qu’il faut choisir de retenir : les projections ne sont pas une fatalité !
Ce sont nos actions de ces dix prochaines années qui seront décisives.

 

 

Alors oui, le chrono tourne. Mais notre sort n’est pas encore scellé !
On ne peut plus se permettre de tergiverser, de se contenter d’une Loi Climat médiocre (#demi Loi Climat), ou de perdre du temps lors de débats qui tournent en rond.
On doit donc non seulement continuer de se mobiliser au niveau individuel, mais il faut plus que jamais faire le nécessaire pour pousser à des actions politiques lucides et ambitieuses.

Ce résumé de 42 pages, s’il est important qu’il soit lu par le plus grand monde, il est indispensable qu’il soit lu par ceux auquel il est destiné : les décideurs.
Et pour être sûr qu’ils l’ont bien reçu, quoi de mieux que de leur envoyer nous même ?
Aujourd’hui, c’est ce que l’on vous propose : nous avons mis en place un outil qui permet d’envoyer un message renvoyant vers le rapport, à l’ensemble des député.es et des sénateurs et sénatrices.

L’objectif de cette démarche est de leur faire savoir que des citoyen.nes s’alarment de la situation et ne veulent plus se contenter de quelques jours voire quelques heures de (faible) considération médiatique avant de passer à autre chose.

 

Nous sommes de plus en plus à réclamer des mesures fortes pour soutenir nos engagements individuels et voir apparaître des changements significatifs, collectifs et justes. Il est inconcevable de continuer notre chemin sur la voie actuelle à l’heure où le GIEC vient de lancer l’alerte la plus importante de l’histoire de l’humanité.
Alors oui, on peut légitimement se demander l’impact que pourrait avoir une action comme celle là : Les élu.es sont censés être au courant, avoir déjà lu le rapport, être déjà en train de réfléchir à des mesures à la hauteur des enjeux…
Mais comme à l’aube d’une bonne rando, autant être prudent et s’assurer qu’ils et elles ne passeront pas à côté.

C’est en étant le plus grand nombre à s’emparer du sujet, à montrer notre inquiétude, à faire savoir nos envies de politiques adéquates, et surtout à exprimer notre rêve d’un avenir durable et désirable, que nous parviendrons à faire bouger les lignes.
Le chrono tourne trop vite pour être défaitiste et abandonner, le signal d’alarme du GIEC doit être le déclencheur d’une prise de conscience et d’un engagement plus puissant que jamais.

RESSOURCES :

Le site du GIEC pour accéder à l’ensemble de leurs rapports et résumés

Traduction française du résumé de 42 pages du rapport (traduction bénévole et collective non officielle)

Vidéo de Rodolphe Meyer, de la chaîne Le Réveilleur, toujours très sérieux et rigoureux dans son travail, qui permet d’aborder le travail du GIEC de la meilleure des manières :

Nous ne pouvons que vous conseiller d’aller faire un tour aux autres articles du site bonpote, qui propose toujours un travail poussé et sourcé. Ci-dessous son article faisant une synthèse et une analyse du nouveau rapport. Et à côté, un très bon article sur les 12 excuses de l’inaction et comment y répondre, qui pourrait bien vous servir lors de vos prochaines discussions

 

Ci-dessous à gauche une sélection de graphiques commentées, portant sur le rapport et la section FAQ du site du GIEC par Le Monde.
Ci-dessous à droite, un article d’Attac sur la responsabilité des pays riches face aux défis climatiques, à quelques semaines de la COP26 (novembre 2021).

Ci-dessous des comptes twitters qui proposent du contenu que l’on juge sérieux et pertinent.
A gauche, des chiffres, des chiffres et encore des chiffres. Au centre, un message pour ceux qui auraient tendance à se dire qu’on est foutu. A droite, un résumé chapitre par chapitre mis en ligne au fur et à mesure des journées.

Côté Instagram cette fois.
A gauche, une vidéo du compte Graine de possible, qui a réussi le défi de faire une vidéo pertinente sur le rapport du GIEC en moins de 20 minutes.
A droite, un article du compte Usbek et Rica, qui propose un Entretien avec Sophie Szopa, co-rédactrice du dernier rapport et chercheuse en chimie atmosphérique au sein du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement de l’université Paris-Saclay.

Billet d’Alternatiba sur l’attitude du gouvernement vis-à-vis des alertes du GIEC :

Vidéo du média Blast, avec un entretien de Christophe Cassou, climatologue membre du GIEC, qui expose le fait que les impacts du dérèglement climatique sont d’ores et déjà présents et visibles : 

Et en cadeau pour terminer, une compilation de tweets de membres du gouvernements en réaction à la sortie du rapport : 

La France : Un train de retard ?

La France : Un train de retard ?

Troisième article de notre campagne Objectif -57 ! Après s’être penché ensemble sur les émissions de GES régionales (ici) et les compétences régionales (ici), abordons aujourd’hui un sujet qui fait couler beaucoup d’encre ces dernières années : le train en France.
Le secteur ferroviaire est lié par de nombreux points aux régions, il nous paraissait donc intéressant de prendre du recul avant les urnes et de tenter de dresser un état des lieux du train en France. Quelle évolution pour le ferroviaire ces dernières années ? Quelle importance dans une transition vers une mobilité bas carbone ? Faisons le point.

NB : Lorsque l’on parle de secteur ferroviaire, les sujets et les axes de réflexions sont nombreux. Cet article n’a donc aucune vocation à établir un bilan exhaustif de la situation française, mais de mettre en avant des constats et des pistes de réflexions en amont des élections régionales. Les données mises en avant dans cet article sont issues de nombreuses lectures, nos principales ressources à retrouver à la fin de l’article.

Le train d’hier et aujourd’hui

Comme de nombreux secteurs, le train a connu de grandes évolutions ces dernières années/décennies. Depuis la création de la SNCF en 1938, le nombre de « voyageurs-kilomètres » 1 est passé de 22 milliards à près de 100 milliards ces dernières années (94.85 en 2017).

En 2020, le réseau SNCF c’est 5 millions de voyageurs/jours pour 14 200 trains par jour.
Ci-dessous, la répartition des passagers selon les différents moyens de transports ferrés (TAGV = Trains aptes à la grande vitesse ; TER = Train express régional ; Transilien et RER = réseaux de trains en Ile de France) en 2019. On constate l’importance de chacun de ces derniers malgré les disparités de nombre de passagers ou de « voyageurs-kilomètres ».

Répartitions usagers réseaux ferrés Source: Rapport juillet 2020 autorité-transports.fr

Ces fréquentations font du transport ferré le deuxième moyen de transport le plus utilisé par les français avec 11,5 % de voyageurs-kilomètres (chiffres de 2018, incluant le métro), loin derrière la voiture. (80,6 % pour les véhicules particuliers)

Transport intérieur de voyageurs par mode en 2018

L’évolution du ferroviaire ces dernières décennies peut laisser penser que le secteur est sur une bonne dynamique et a un rôle majeur pour la mobilité de demain, malgré un fossé énorme avec la voiture. Si l’évolution de la fréquentation ces dernières années montre l’intérêt des français pour le train – et ce malgré des dernières années compliquées suite aux mouvements sociaux puis au covid-19 – l’évolution du ferroviaire en France sur d’autres aspects est préoccupante.

Paradoxalement à l’explosion du ferroviaire ces dernières décennies, le nombre de cheminots a drastiquement chuté et est passé de 514 700 cheminots en 1938 à 142 240 cheminots en 2018. La dernière fois que l’on comptait si peu d’agents travaillant dans le ferroviaire, c’était en … 1871. Les chiffres concernent la SNCF dans sa globalité, mais la démarche de réduction des effectifs est similaire, que ce soit pour le transport de voyageurs ou le fret. Le nombre de kilomètres de voies aussi a diminué, en passant de 50000 km en 1940 à 28000 km en 2018.
Différentes logiques et stratégies au fur et à mesure des années en sont la cause et nous ne rentrerons pas dans le détail de ces dernières aujourd’hui. Restons dans le constat de la situation actuelle et parlons une nouvelle fois … argent !

Le train, combien ça coûte ?

Le plus gros problème du train actuellement, c’est qu’il coûte cher. Il coûte cher en termes d’investissements sur le réseau : SNCF Réseau a estimé à 7,6 milliards d’euros jusqu’en 2028 ce qu’il faudrait pour restaurer le réseau. Facture que l’Etat français ne semble pas décider de payer. 2
Et il coûte cher à faire rouler au quotidien. Prenons l’exemple du TER : pour les fournisseurs du service (SNCF, Régions, etc) il coûte 12 000 euros par an par voyageur. C’est plus que n’importe quel autre moyen de transport en commun.
Alors oui, un plus grand nombre d’usagers ferait baisser le coup par voyageurs, logique.
En attendant, pour baisser les coûts, ce sont les “petites lignes” qui sont menacées.
Ces petites lignes représentent actuellement 9137 km de desserte fines du territoire, soit 17 % du trafic de trains régionaux. Un quart de ces petites lignes sont empruntées par moins de 100 000 voyageurs par an.
La loi LOM, dont vous nous parlions la semaine dernière, prévoit un partage de ces 9137 km de voies : les plus fréquentées seront à la charge de l’Etat, la SNCF Réseau se chargera des « moyennes » et les régions auront la lourde tâche de « gérer » les plus petites. On voit donc ici que les régions ont soit intérêt à appliquer différentes stratégies pour remplir les lignes, soit fermer ces dernières et les remplacer par des cars, qui coûtent près de deux fois moins cher par kilomètre

On pourrait se demander pourquoi le train coûte si cher par rapport aux autres moyens de transport. Les réponses sont multiples. Globalement le train ne bénéficie pas des mêmes avantages que ses concurrents. Les cars n’ont pas à financer l’asphalte ou l’entretien des routes, tandis que l’entretien des voies ferrées est compris dans les péages que les trains payent pour circuler. Pour reprendre l’exemple des TER, ces graphiques ci-dessous nous montrent l’évolution du coût du TER ces dernières années et l’explosion des péages ferroviaires.

Coût des TER qui a doublé en 15 ans. Source: SNCF, SNCF Réseau, BAGSPNV
Coût des péages ferroviaires. Source: SNCF, SNCF Réseau, BAGSPNV

En 2018, les recettes des voyageurs couvrent 25,3% du coût du TER. En 2002, cette contribution était de 29,6%. Malgré une augmentation des recettes de +15% depuis 2002, la dégradation de ce ratio traduit une évolution des coûts de production de TER.
Pour ce qui est de l’aéronautique, l’absence de taxe sur le kérosène de la part de l’Etat français favorise grandement le secteur. Et ce n’est pas l’éco-contribution sur les billets de certains vols et les 182 millions d’euros qui vont être récupérés à destination d’infrastructures de transports plus écologiques mise en place en 2020, qui viennent redistribuer les cartes. 3

En attendant, la restructuration et les changements de ces dernières décennies sont très importants.
Pendant longtemps les lignes les plus rentables finançaient les moins rentables, sans que le réseau subissent de grands changements. Aujourd’hui ce n’est plus le cas.
On mise principalement sur les lignes à grande vitesse, les lignes qui attirent le plus de voyageurs (80 % du trafic occupe 38 % du réseau) avec une région parisienne en rôle de plaque tournante pour un grand nombre de français souhaitant prendre le train sur de longues distances. Tandis que 30 % des gares françaises ne sont pas/plus desservies par un service ferroviaire (fret ou passager).
Evolution symptomatique : les trains de nuit. En 1981, 550 gares étaient desservies par les trains de nuit. En 2020, il en reste 5. 4

Le train, ami du climat ?

Puisque les trains coûtent chers, il semble normal d’investir vers ce qu’il y a de plus rentable et d’abandonner ce qui ne l’est pas assez, comme le ferait n’importe quelle entreprise.
Intervient alors l’argument majeur du transport ferroviaire : l’empreinte carbone.
On a vu dans notre premier article l’importance des émissions de GES du transport en France et notamment la prédominance de la voiture. La part du train dans les émissions de GES nationales est plus que minime, en moyenne 0,6 %.Selon qui se retrouve face à face (TGV vs avion, voiture et car vs Intercités et TER …) la victoire du train sera plus ou moins large. Peu importe son adversaire, lorsqu’il s’agit de transports ferrés électrifiés, le résultat est à chaque fois sans appel. Et les chiffres peuvent monter très haut.
La dernière étude de Trainline 5, qui visait à comparer cinq trajets nationaux différents en train et en avion, a démontré qu’en moyenne l’impact du bilan carbone du train était 136 fois moins élevé sur ces trajets. Même si cela devait être souligné, cet article intervenant dans une campagne en vue des régionales, nous attarder sur l’empreinte carbone du TGV face à l’avion n’est pas ce qu’il y a de plus pertinent.
Penchons-nous donc sur les trains les plus polluants de France : les TER diesel.
La part de TER diesel en France en 2018 était d’environ 20 %. Les TER sont de facto des trains qui émettent davantage que les TGV. Mais les TER thermique émettent près de dix fois plus que les TER électrique 6
Qu’est-ce que cela donne si l’on oppose un TER diesel à ses opposants directs, le car et la voiture ? Ci-dessous, un tableau du rapport de la cour des comptes sur les TER. Est comparé l’impact d’un TER diesel en fonction de son nombre d’occupants au car ou à la voiture selon son nombre d’occupants également.

On constate donc que par rapport au TER électrique, l’impact du TER diesel dépend grandement de son nombre de voyageurs, même si atteindre les 80 passagers cités dans le graphique par exemple, ne représente rien d’exceptionnel. 80 passagers, cela équivaut à une rame d’un TER 73500 non électrifiée 7

Une stratégie à revoir

Au vu des enjeux en termes de mobilité bas carbone et de lutte contre le réchauffement climatique, le train doit être une option majeure dans les années à venir. Les petites lignes, TER diesel ou non, ne doivent plus être victimes de stratégies de suppressions mais bel et bien profiter d’investissements en conséquence. Les intentions des français vont dans ce même sens.
Une enquête sur les mobilités du quotidien dans les régions françaises sortie en 2019 montre les attentes des français en termes de transports en communs et notamment de transports ferrés. Pour plus de la moitié des habitants en zones périurbaines ou rurales prenant majoritairement la voiture, la raison numéro une les empêchant de prendre davantage les transports en communs est le manque de ligne adéquate, devant l’absence d’arrêt près de chez eux et la fréquence de passages trop faibles.
81 % de ce même panel déclare qu’il pourrait prendre le train plus souvent s’il avait une gare à moins de 30 minutes de chez eux. Quand on sait que, selon Railcoop, 90 % des Français résident à moins de 10 km d’une gare …
Des barrières financières importantes existent, c’est un fait. Mais ces barrières relèvent de décisions politiques. Elles doivent être des défis à relever et non des arguments pour appliquer une logique d’entreprise recherchant à tout prix le maximum de rentabilité.
Car si le coût économique d’aujourd’hui est important, quel sera le coût écologique de demain ?

Aujourd’hui le secteur ferroviaire est malade et les régions ont un certain nombre de possibilités pour essayer de le soigner, que ce soit directement avec SNCF Réseau mais également avec l’ouverture à la concurrence, qui sera l’un des sujets majeurs du secteur ferroviaire dans les temps à venir.
Quel avenir espérer ? Quelles solutions concrètes réclamer ? Qu’attendre de l’ouverture à la concurrence ?
Affaire à suivre, que ce soit à travers les futures publications, ou les évènements live qui arrivent.


 

RESSOURCES : 

Rapport sur les chiffres clés des transports en 2020 par le commissariat général au développement durablehttps://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2020-03/datalab-66-chiffres-cles-transport-edition-2020-mars2020.pdf 

Etude comparative de l’impact carbone de l’offre des véhicules du Shift Projethttps://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2020/02/2020-02-04_%C3%89tude-de-limpact-carbone-de-loffre-de-v%C3%A9hicules_V1.pdf 

Atlas du réseau ferré en Francehttps://it4v7.interactiv-doc.fr/html/atlas_reseau_ferre_2020_web_avecmnt_914 

Rapport sur le marché français du transport ferroviairebilan-ferroviaire-2019_chiffres_mi-annee.pdf (autorite-transports.fr) 

Dossier presse sur les petites lignes ferroviaires et les plans d’actions régionaux20200220_JBD_DP_Petites_lignes_vf.pdf (ecologie.gouv.fr) 

Rapport de la cour des comptes sur les TERRapport Les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence (ccomptes.fr) 

Enquête sur les mobilités du quotidien dans les régions françaiseshttps://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2019-10/ipsos_transdev_mobilites_en_regions.pdf 

Revue d’histoire du chemin de ferIntroduction : L’évolution des réseaux de chemins de fer d’intérêt local et des tramways voyageurs-marchandises de leur naissance à leur déclin, 1865-1951 (openedition.org) 

Livre, enquête dessinée sur la privatisation du rail “Un train d’enfer”https://radioparleur.net/2020/09/09/un-train-denfer-bd-manach/ 


  1. Unité de mesure correspondant au transport d'un voyageur sur une distance d'un kilomètre. L'unité voyageur-kilomètre a l'avantage d'être additive quel que soit le mode de transport (à l’exception du transport maritime) : le déplacement de 10 voyageurs sur 100 kilomètres selon un certain mode suivi du déplacement de 10 voyageurs sur 50 kilomètres selon un autre mode donne un total de service rendu par les transports de 1 500 voyageurs-kilomètres pour ces deux modes.)

  2. À titre de comparaison,
    c’est ce que l’Etat français a
    garanti comme aides
    à Air France sur une année : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_1581

  3. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/07/11/ecotaxe-sur-l-avion-une-goutte-d-eau-dans-le-prix-des-billets_5488274_4355770.html

  4. Le collectif Oui au train de nuit ( https://ouiautraindenuit.wordpress.com/ ) plaide pour un retour des trains de nuit depuis 2016. Certains devraient arriver dans l'année

  5. Trainline : le train est 136 fois moins polluant que l‘avion (ampproject.org)

  6. selon la méthode de calcul de The Shift Project, c'est à dire en comptabilisant les émissions dues à la conversion de l'énergie dans le véhicule mais aussi les émissions dues à la production de l'énergie disponible : le TER électrique émet 500 gCO2eq/voyageurs par kilomètre, contre 4800 pour son homologue thermique

  7.  https://maligne-ter.com/lignes-de-st-etienne/quelques-details-sur-le-materiel-qui-circule-sur-nos-lignes/ .

Mobilité : l affaire des régions ?

Mobilité : l affaire des régions ?

Dans notre article de la semaine dernière (ici), nous avons fait le point sur les émissions de GES par région (gaz à effet de serre) et particulièrement sur le rôle du transport sur ces dernières. On a parlé gros chiffres, voitures et surtout nécessité d’œuvrer pour une transition vers une mobilité bas carbone.
Aujourd’hui, deuxième étape d’Objectif -57 : les compétences des régions ! Retour sur l’évolution des régions et les clés qu’elles ont actuellement en main en ce qui concerne le secteur du transport. Sans trop rentrer dans le détail, nous allons voir pourquoi les régions sont des acteurs essentiels pour mettre en place la mobilité de demain ! 

Retour historique

Au fil du temps, les régions ont beaucoup évolué et de nombreuses réformes ont vu le jour, notamment ces dernières années. Depuis 2002, les régions sont autorités organisatrices des services régionaux de transports ferroviaires de voyageurs.  

Retour rapide sur les dernières mesures importantes : 

2014, Loi Maptam

Des collectivités territoriales cheffes de file sont mises en places.
La région devient cheffe de file pour le développement économique, aides aux entreprise, les transports, la biodiversité, la transition énergétique et l’agenda 21.
1

2015, Loi NOTRe et découpage des régions

En Janvier 2015, le découpage des régions est acté et les régions passeront de 22 à 13 à partir du 1er Janvier 2016. Six d’entre elles n’ont pas été modifiées tandis que sept nouvelles régions grand format voient le jour. 
Au mois de juillet suivant, la loi NOTRe est adoptée. Elle vient renforcer les compétences des régions en matière de développement économique et redéfinit les compétences générale des collectivités. 
La loi NOTRe créé notamment un nouveau schéma de planification : le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). 
Surtout, les régions deviennent des autorités organisatrices de transport de plein excercice. A partir de 2017, les régions récupèrent ce qui était entre les mains des départements jusqu’ici : les transports scolaires, les routes … 

2019, Loi LOM

La Loi d’orientation des mobilités, qui a été votée le 24 décembre 2019, réorganise la compétence « mobilité » à partir du 1er juillet 2021. 
Elle comporte 189 articles qui visent à répondre à l’objectif principal d’améliorer les déplacements quotidiens en intégrant la préservation de l’environnement. 
On ne va pas rentrer dans le détail de cette dernière, mais nous attarder dans la suite de l’article sur les conséquences que cela a sur les régions, qui sont au cœur de cette loi et voient leurs rôles devenir encore plus important.

Les Trains Régionaux Express font partie des multiples responsabilités des régions Crédit: Marc Debrincat

Et maintenant ?

Concrètement, où en est-on maintenant avec la loi LOM? Ce qu’il faut retenir, c’est que dans un premier temps, la loi LOM vient renforcer le rôle des régions. Les régions sont actuellement des AOM (Autorités Organisatrices de la Mobilité). 

Elles ont plusieurs compétences :  

– Organiser des services publics de transports réguliers (urbains ou non urbains) 
– Organiser des services publics de transport à la demande 
– Organiser des services publics de transport scolaire 
– Organiser des services de mobilités actives et partagées (service de location de vélos, plateforme de mise en relation pour le Covoiturage) et contribuer à leur développement (subventions, financements). 
– Organiser, contribuer, verser des aides pour des services de mobilités solidaire 

Mais la loi LOM avait surtout pour objectif de couvrir l’intégralité du territoire avec des AOM, pour que des solutions émergent partout pour l’ensemble des citoyens.  Pour cela, les communes, via leur intercommunalité, ont le choix d’être AOM ou pas. Et si elles refusent, toutes leurs compétences reviendront au régions (elles pourront revenir plus tard aux communes si son périmètre a évolué). Ces-dernières avaient jusqu’au 31 mars pour faire leur choix, les effets de la loi LOM seront appliqués dès le 1 er Juillet 2021. 

Le champ d’action des régions peut donc s’accroître selon les décisions des communes. 
De plus, comme l’explique la Fnaut (Fédération Nationale des Associations des Usagers des Transports) le rôle de la région comme cheffe de file est renforcé, pour coordonner les compétences mobilité de l’ensemble des autorités organisatrices sur leur territoire régional.  Un contrat opérationnel de mobilité, liant les AOM et la région, permettra d’assurer la coordination de tous les acteurs à l’échelle de chaque bassin de mobilité, en associant en particulier les gestionnaires d’infrastructures telles les gares, ou les pôles d’échanges multimodaux. Un contrat opérationnel de mobilité, liant les AOM et la région, permettra d’assurer la coordination de tous les acteurs à l’échelle de chaque bassin de mobilité, en associant en particulier les gestionnaires d’infrastructures telles les gares, ou les pôles d’échanges multimodaux.


L’argent, le nerf de la guerre

On l’a vu, les régions ont des compétences et des responsabilités en ce qui concerne la mobilité. Mais ont-elles les moyens d’utiliser leurs compétences, d’actionner les leviers nécessaires à une transition bas carbone ?

Première chose : la mobilité représente la première dépense des régions. En 2019, le transport était le premier poste budgétaire avec 10,7 milliards d’euros, soit 24,9 % de leurs dépenses.
Les dépenses sont réparties en deux catégories : les dépenses d’investissement et les dépenses de fonctionnement.

Comme le montre le tableau ci-dessus, les dépenses ont augmenté ces dernières années, notamment dû aux différentes réformes que l’on a vues plus haut. Compétences et budgets en hausse : cela montre le nombre de clés que l’on cède aux régions concernant la mobilité.
Cependant, cela n’est pas encore suffisant au vu du défi qui est celui de la neutralité carbone. S’il est difficile pour la grande majorité d’entre nous de se représenter ce que représente 10,7 milliards d’euros, ni même les un peu plus de 3 milliards d’euros qui vont dans l’investissement, on a pu constater la semaine dernière que l’offre actuelle en termes de transport ne répond pas aux enjeux climatiques. On peut donc se demander si les sommes sont suffisantes.

Regardons chez le portefeuille de nos voisins pour se donner un aperçu.
On voit dans ce tableau ci-contre : la population, le budget des régions/territoires et les dépenses par habitant que cela représente. On peut y lire que la France est le pays où la dépense publique décentralisée est de loin la plus faible dans la dépense publique. Quand on reprend les chiffres de la semaine dernière des émissions de GES, notamment le fameux 31 % d’émissions dues au transport en France, on peut se demander si les investissements actuels sont suffisants.

“Les nouveaux élus auront à assumer les décisions, ou non-décisions, de leurs prédécesseurs. Ils auront à décider des mesures indispensables pour répondre aux défis du changement climatique, pour engager la nécessaire réduction de la dépendance automobile et de la consommation d’énergies fossiles, pour réduire l’inégalité territoriale et la fracture numérique”

Bruno Gazeau

Président, FNAUT

Ce n’est pas ici que l’on établira le montant nécessaire de l’enveloppe mobilité des régions et autres questions de financements. Peut-être plus tard.
Ce que l’on peut dire par contre, c’est que les gagnant.e.s des prochaines élections régionales auront devant eux un grand défi : agir pour une mobilité bas carbone.

On l’a vu, ces dernières ont des compétences, des moyens financiers et surtout un mandat particulièrement long 2 pour participer grandement à ce défi.
Reste à savoir si celles et ceux qui sortiront victorieux le 27 juin prochain seront à la hauteur des enjeux.

Ressources :

Chiffres clés des régions en 2019 : https://regions-france.org/wp-content/uploads/2019/09/RDF-Chiffres-Cles-2019-bd-190930.pdf

Bulletin de la FNAUT Elections régionales et mobilités :
https://www.fnaut.fr/uploads/2021/01/287.pdf

Article de la Fabrique Ecologique qui passe en détail le sujet des régions et de la mobilité :  https://www.lafabriqueecologique.fr/quelles-bonnes-pratiques-des-regions-en-matiere-de-mobilite/

Le site de l’Observatoire des objectifs régionaux climat-énergie, pour voir où en est votre région : https://www.observatoire-climat-energie.fr/regions/

Enquête sur les mobilités du quotidien dans les régions françaises : https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2019-10/Ipsos-Transdev-RdF_Mobilit%C3%A9s%20en%20r%C3%A9gionSept2019%20-%20Rapport%20chiffr%C3%A9.pdf


  1. (Les agendas 21 locaux sont nés d’une recommandation de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement qui s’est tenue en 1992 à Rio.
    Un agenda 21 local est un projet territorial de développement durable, porté par une collectivité locale, et qui prend la forme d’un programme d’actions (programme d’actions pour le 21 ème siècle).

  2. Le calendrier électoral de 2027 étant chargé par les présidentielles et les législatives, les prochaines régionales auront lieu en mars 2028

Aventures Sans Voiture: Des Lyonnais dans la Vallée des Belleville

Aventures Sans Voiture: Des Lyonnais dans la Vallée des Belleville

Aventures Sans Voiture: Des Lyonnais dans la Vallée des Belleville

par Corentin Digne

Février 2021

Récit d’une aventure sans voiture en Vallée des Belleville.
L’équipe de bénévoles de Lyon s’est donnée comme projet de rejoindre les Alpes en tentant de réduire au maximum son impact carbone lié au transport. Ce weekend, inutile de charger le coffre de la voiture, on fera sans.
Des copains, de la bonne humeur, du soleil, et une paire de pow de phoque : voilà la recette d’un week-end réussi avec la POW Family. Menu du jour : cuillères de kiff pour tout le monde.

6h10. Le réveil sonne. C’est rude, mais le simple fait de se savoir bientôt en montagne facilite grandement la sortie du lit. Quand il s’agit de rejoindre nos belles montagnes, on veut bien sacrifier une bonne grasse matinée. Ce weekend, c’est une aventure sans voiture avec les copains de POW qui nous attend.

Fort de constater que le transport constitue la plus grande part des émissions de CO2 des stations de ski (57%  – source : ANMSM/ADEME), il nous a paru intéressant d’essayer de rejoindre nos belles montagnes en réduisant au maximum notre empreinte carbone. En effet, engagé dans la lutte contre le dérèglement climatique, j’estime avoir un mode de vie plutôt “raisonnable” et relativement économe en carbone. Seule ombre au tableau, des allers-retours, en voiture, fréquents entre Lyon et les Alpes. Dès lors, quelles alternatives ? Pour l’équipe de bénévoles lyonnais, l’option vélo ski semble un peu délicate (se lever tôt ne suffira pas, il faudra partir 2 jours avant). C’est donc tout naturellement que nous nous sommes tourné.es vers le train.

1ère étape – L’approche. La marche d’approche en ski de randonnée peut parfois sembler un peu longue. Mais elle est nécessaire pour atteindre des lieux parfois plus reculés et d’autant plus grandioses. Notre approche : un peu plus de 200 km et 3 départements à parcourir : le Rhône, l’Ain, et finalement la Savoie.
Afin de rejoindre la gare de Lyon Part-Dieu, mon voyage débute par un enchaînement bus/métro. Un trajet multimodal. Sac à dos plein à craquer, la housse de skis dans une main et la paire de chaussures dans l’autre, je retrouve Marie, Lou et Claude-Andréas sur le quai. Malgré l’heure matinale, on devine dans nos petits yeux pas très éveillés que les sourires sont déjà bien présents sous nos masques.

8h08. Départ du TER n°883204 à destination de Moutiers Salins Brides-les-Bains. L’aventure peut commencer. L’enthousiasme et l’énergie débordante de l’équipe font presque oublier que la nuit à été courte. Arthur, puis Suzie, Maëlle et Clément, montent dans le train successivement à Aix-les-Bains et Chambéry. L’équipe est au complet.
En prenant le train, nous avons choisi de prendre le temps. Et ce n’est pas désagréable. Les rayons du soleil rasant du début de journée donnent aux paysages que nous parcourons une couleur toute particulière. Le Lac du Bourget se réveille sur notre passage. Spectacle sublime qui nous rappelle la chance que nous avons de pouvoir en profiter. Un bonheur. Les premiers massifs se dessinent et font émerger quelques fourmis dans les jambes. On se laisse bercer par le rythme du rail en s’imaginant gravir les sommets que nous apercevons par la fenêtre. En prenant le temps, nous avons également choisi de se rendre compte de la distance parcourue. Certains trouveront certainement que 3h de TER, c’est long. Mais avec une telle équipe et de tels paysages en guise de décor, je vous assure qu’on ne s’ennuie pas. 

Nous arrivons à Moutiers peu après 11h. Notre autocar nous attend pour boucler les derniers kilomètres qui nous séparent de notre camp de base. Nous sommes agréablement surpris.es de constater que la navette est pleine : nous ne sommes visiblement pas les seul.es à se passer de voiture pour monter en station (n’oublions pas qu’il s’agit d’un weekend de vacances scolaires). En revanche, nous sommes bien les seul.es à transporter des skis, ce qui semble en intriguer plus d’un.e. J’en entends même certain.es se demander si l’on ne devrait pas nous rappeler que les remontées mécaniques sont fermées. Inutile de rappeler que, chez POW, le dénivelé se mange à l’aide de nos pow de phoque.
Très rapidement, le fond de vallée laisse la place aux cimes enneigées. Mais les douces températures des derniers jours ont marqué le paysage : le manteau neigeux a considérablement réduit à basse altitude. Pour les skieuses et skieurs que nous sommes, ça fait forcément mal au cœur de voir disparaître toute cette neige aussi vite qu’elle est tombée.

La vallée des Belleville nous accueille sous un soleil radieux peu après midi. Arrivé.es à destination, nous découvrons le superbe camp de base que nous propose Marie, caché au milieu des petites ruelles de Praranger. Le temps de poser notre chargement, de se ravitailler, et nous voilà sur les skis vers 14h. Il paraît qu’il convient d’être matinal pour partir en montagne. Le réveil a pourtant sonné à 6h mais je crois que nous n’avons pas totalement saisi le concept chez POW.

Févravril
Au programme, petit échauffement avant la rando du lendemain : nous nous satisferons d’une petite montée sur le domaine skiable, histoire de se dégourdir les pattes. La bonne humeur, le soleil, et les pow de phoques sont au rendez-vous. On ne se plaindra pas du temps magnifique, pas un nuage à l’horizon, mais nous sommes frappé.es par une chaleur digne d’un mois d’avril. Les températures particulièrement hautes pour la saison posent question, nous sommes pourtant en plein de mois de février. Ou de févravril, on en perd un peu la tête. Conséquences : les tee-shirts et la crème solaire sont de sortie.
Après 2 bonnes heures de montée, notre descente est motivée par l’animation du front de neige. Le vin chaud nous attend en guise de récompense pour conclure la journée sur un petit d’air du monde d’avant.

Dimanche au soleil, dimanche merveille
La Pointe de la Fenêtre culmine à 2268m, ce sera notre destination dominicale.
Cette fois-ci, nous tournons le dos au domaine skiable pour nous évader vers des horizons que les pylônes de télésiège n’ont pas encore conquis. Nous partons quasiment avec les skis aux pieds de la maison, grand luxe !
Après deux barres céréales, plusieurs conversions et toute l’énergie de la croziflette de la veille convertie en D+, c’est un splendide panorama qui récompense nos efforts. Vue directe sur le Mont Blanc. Pas besoin de pic-nic, chez POW on se nourrit de cuillères de kiff. Et c’est un régal. Le sentiment de bonheur que procure la montagne fait presque oublier la fatigue qui commence à se faire sentir dans les pattes.
Vient l’heure de la descente. On embarque le panorama dans un coin de sa tête et il est temps de se faire bercer par la gravité. En ski de randonnée, la montée “by fair means” donne à la descente une saveur toute particulière. Et si, étant donné les conditions, certain.es retiendront l’adjectif “irrégulière” pour qualifier la qualité de descente, on profite simplement de l’instant présent. Ce qui est certain, c’est que ce n’était pas les conditions de l’année. Les quantités astronomiques de neige tombées en janvier semblent déjà bien loin. En revanche, cela n’a rien enlevé à la beauté de nos montagnes et au bonheur d’une petite bambée (comme diraient nos amis savoyards) rondement menée. Que voulez-vous, la montagne ça vous gagne ! Des copain.es, du soleil et une belle sortie en ski, la journée tient toutes ses promesses.

Crédit: Corentin Digne

De retour au QG en début d’après-midi, il est déjà temps de penser au retour. Nous attrapons notre navette à 15h20 pour redescendre sur Moutiers. Le temps de trajet nous permet de faire le bilan du weekend, et surtout de penser au prochain épisode. Nous retrouvons la cité lyonnaise sur les coups de 20h. Le record du temps de trajet est détenu par Lou, qui rejoint son chez-soi dans les environs de St-Etienne vers 22h, après un ultime train.

Le train permet un rapport au temps et à la distance différent de celui d’un trajet à 130km/h sur autoroute. Ces deux jours bien remplis m’en ont paru durer davantage, et le temps passé dans les transports ne nous a pas empêché d’apprécier pleinement notre weekend.

En guise de conclusion, le weekend a été très bon et la voiture est restée au garage. L’objectif est atteint. Alors oui, au regard d’un weekend, le temps de trajet est conséquent. Néanmoins, la logistique n’était finalement pas si compliquée et reproduire un tel projet trouverait tout à fait son sens en partant une semaine complète, ou finalement, passer un peu plus de temps dans les transports n’aurait que très peu d’influence sur le temps sur place. Ce weekend a pu nous permettre de se rendre compte qu’avec un peu de bonne volonté, il n’est pas si difficile de s’organiser sans voiture. Des solutions existent. Celles-ci peuvent certes, et doivent, être améliorées (fréquence des horaires, tarifs des navettes, etc.), mais ont le mérite d’exister et de fonctionner.

Avec ce weekend, nous n’avions pas la prétention d’abandonner complètement la voiture. Mais simplement de montrer qu’il est possible de s’en passer et progressivement, faire tomber le culte de la voiture. Et pour qu’à terme, une aventure sans voiture ne soit finalement plus qu’une aventure tout court. 

Nos montagnes sont belles, prenons-en soin !

Crédit: Corentin Digne

Afin de se rendre compte concrètement de l’impact carbone de son trajet, l’ADEME propose un calculateur d’émissions de carbone en fonction du mode de transport.
Le “coût carbone” de notre trajet est estimé à 5.8kg eqCO2 (4.9 pour 200km de TER + 0.9 pour 25km d’autocar), tandis qu’il s’élève à 9.7kg eqCO2 en supposant 4 copains dans une seule voiture (pour 200km). Soit une économie carbone de 40% !
Ce chiffre grimpe à 55 et 69% en comptant respectivement 3 et 2 passagers.

Source: https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/bureau/deplacements/calculer-emissions-carbone-trajets