On ne sait pas vivre sans glaciers

On ne sait pas vivre sans glaciers

On ne sait pas vivre sans glaciers, génétiquement, on n’a pas ça dans notre ADN. Si on perd les glaciers, on va vers quelque chose où l’on sort complètement des radars de l’histoire de l’humanité, de l’histoire récente du vivant sur la planète, et on prend quand même des gros risques.

Jean-Baptiste Bosson, glaciologue

En 2050, à cause des émissions de gaz à effet de serre, tous les glaciers des Pyrénées et 34% du volume de glace dans les Alpes européennes auront disparu. Quelles sont alors les conséquences de la fonte des glaciers ? Biodiversité, écosystèmes, ressources, territoires, populations… Les conséquences semblent être multiples

Bien que les glaciers nous paraissent parfois lointains, nous sommes intimement liés à eux, et leur fonte extrêmement rapide et massive est un phénomène inédit auquel nous devons prêter la plus grande attention comme le dit si bien Jean-Baptiste Bosson.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de rappeler qu’il s’agit de parler des glaciers condamnés et dont la fonte à grande échelle est inévitable. Il reste de nombreux glaciers de montagne à préserver.

Sommaire des enjeux abordés dans l’article :

  • Un bouleversement de la biodiversité et des écosystèmes
  • Des sécheresses à répétition et une gestion de l’eau perturbée
  • Faire face à une instabilité climatique en montagne et dans les pratiques
  • Les glaciers, de véritables régulateurs du climat
  • Comment sommes-nous liés aux glaciers ?
Un bouleversement de la biodiversité et des écosystèmes

Le recul des glaciers de montagne affecte tout d’abord la nature elle-même, avec toute sa biodiversité et ses écosystèmes. D’après le GIEC, la composition et l’abondance des espèces de montagne ont considérablement changé avec la réduction des couvertures neigeuse et glaciaire. Les espèces locales sont de plus en plus menacées, notamment pour celles qui dépendent directement de la glace. Quand les glaciers disparaissent, c’est tout un habitat naturel qui disparaît avec eux : c’est le cas notamment du petit invertébré tardigrade qui vit auprès des glaciers.

Comme nous le rappelle Jean-Baptiste Bosson, “La nature a horreur du vide. Si on perd quelque chose d’un côté, on gagne quelque chose de l’autre”. Là où vivaient les glaciers auparavant, on observe l’apparition de nouveaux habitats vêtus de cailloux de sédiments, de nouvelles rivières, de nouveaux lacs, de nouvelles pelouses… ainsi que l’arrivée de nouvelles espèces dans ces zones comme le cerf, ayant besoin de forêt pour vivre.

Mais ce phénomène ramène de la compétition entre les espèces avec le développement d’espèces “exotiques” envahissantes pour celles déjà installées depuis longtemps. La fonte des glaciers questionne donc les différentes habitabilités de la Terre et tend à bouleverser la biodiversité actuelle.

Des sécheresses à répétition et une gestion de l’eau Perturbée

Les glaciers permettent de réguler le courant des rivières qui va inévitablement être perturbé par leur fonte. Sur le long terme, comme la régénération glaciaire est réduite, le volume d’eau qui coule dans les rivières de montagne sera de plus en plus faible et rendra les périodes de sécheresse de plus en plus intenses.

« Les glaciers sont comme un immense compte en banque à la base, qui se superpose au cycle de l’eau. Ce compte en banque devient très petit et de ce fait, les débits diminuent parce qu’on perd de ce surplus qu’était le stock. »

Jean-Baptiste Bosson, glaciologue

Cette image est frappante et nous invite à économiser drastiquement ce stock. Au vu des sécheresses de l’été 2022 et de l’hiver 2023, cet enjeu est de la plus haute importance. Les glaciers de montagne sont les châteaux d’eau de nombreuses régions du monde, et permettent de mettre en place l’irrigation et l’énergie hydro-électrique. Tous ces phénomènes vont être affectés et avoir des impacts sur nos usages quotidiens, sur l’agriculture, ainsi que sur l’électricité, en touchant en priorité les populations locales.

Selon les années, les glaciers des Alpes représentent environ 40% du débit du Rhône. Sans glaciers, le débit du Rhône tend à diminuer drastiquement, surtout en été où le besoin en eau est le plus important. La vallée du Rhône, avec environ 12 000 000 habitants et une grande zone de production maraîchère, va être fragilisée. De plus, l’eau sera de plus en plus chaude et les centrales électriques seront plus difficiles à refroidir.

En mars 2023, le lac des Bouillouses dans les Pyrénées-Orientales, alimenté par les précipitations et les glaciers, a vu stopper sa production hydroélectrique par manque d’eau. L’eau et les glaciers sont une richesse énergétique essentielle, aujourd’hui mise en péril. Et pour en savoir plus sur les glaciers des Pyrénées, retrouve notre article sur le sujet ici.

Faire face à une instabilité climatique en montagne et dans les pratiques

L’été, les fortes chaleurs et la fonte des glaciers accélérée engendrent une hausse du débit des rivières. En été 2023, cela a été difficile pour certains refuges, notamment dans les Ecrins. Alors que certains ont fermé par manque d’eau, la fonte des glaciers combinée à des orages violents ont provoqué des crues torrentielles comme au refuge Châtelleret dans l’Oisans où certaines installations ont été endommagées par un torrent de boue emportant avec lui d’énormes blocs de pierre. Ces crues-là sont amenées à se répéter, provoquant un risque récurrent à prendre en compte.

Les glaciers représentent un héritage culturel précieux dans nos vallées. L’effondrement de ce patrimoine naturel va avoir des effets néfastes sur nos pratiques en montagne qu’il est nécessaire de réinventer. En termes de sécurité, certains itinéraires deviennent dangereux dû à des éboulements dévastateurs. On se rappelle de l’effondrement d’une partie du glacier de la Marmolada en Italie en 2022 qui a provoqué la mort de plusieurs personnes. En France la même année, l’accès au couloir du Goûter pour l’ascension du Mont Blanc était interdite à cause de chutes de pierres dues à l’assèchement du couloir. Dans certaines régions, des pratiques sont amenées à disparaître : le club alpin français de Perpignan n’a pas pu organiser de sorties de cascade de glace en 2024 comme c’était le cas auparavant. 

Il est aussi important de relever que les activités en montagne sont directement liées au tourisme et à l’économie locale, qui risquent également de souffrir de la fonte des glaciers qui inquiète notamment les guides de haute montagne.

Luc Moreau

Arthur Vaillant

Les glaciers : de véritables régulateurs de climat

Les glaciers, en couvrant 10% des terres émergées de la planète, ont un véritable rôle de régulateurs du climat. Connu sous le nom d’effet albédo, leur surface blanche contribue à renvoyer une grande majorité du rayonnement solaire et à réguler le réchauffement planétaire et leur fonte. Pour en savoir plus, retrouve notre article sur le lien entre neige et glace ici.

« La température de l’eau des rivières sur plus que 100 km, en s’éloignant des glaciers du  Massif du Mont-Blanc, est encore de 13° alors que les autres rivières sans glaciers autour ont une température de l’eau d’environ 20°. » Ce que veut nous dire Jean-Baptiste Bosson, c’est que les glaciers permettent de créer des microclimats, auxquelles on s’est habitués et sur lesquels on s’est développés, en ventilant et rafraîchissant tout une vallée par exemple. 

Ils permettent aussi aux scientifiques de surveiller les évolutions du climat. En effet, la neige, en se compactant pour devenir de la glace, va piéger des bulles d’air. En les analysant, nous pouvons connaître l’histoire du climat avec la composition de l’atmosphère depuis 800 000 ans.

Les glaciers sont nos meilleurs alliés pour comprendre ce qui s’est passé jusqu’à maintenant depuis les 800 000 dernières années.

Et sans l’Homme, il n’y a pas de changement climatique profond en ce moment sur Terre. Aujourd’hui, aucun pays ne respecte ses engagements climatiques et ne comprend l’urgence de l’enjeu. Il y a un boulot énorme à faire et on écoute pas assez cette voix des glaciers.

Jean-Baptiste Bosson, glaciologue

Leur perte signifie une réduction des données disponibles pour observer les futurs changements du climat à l’échelle locale, alerter sur ces derniers et les anticiper. Et, rappelons-le, le travail des scientifiques est primordial pour nous permettre d’agir sur le changement climatique et anticiper au maximum. Ce dont ils témoignent n’est pas le fruit d’un changement naturel mais bien d’un changement dû activités humaines qu’il est essentiel de prendre en compte. Ce que l’on vit est inédit et doit nous alerter quant aux nouvelles conditions d’habitabilité de l’humain sur la planète Terre. Peut-être est-ce dans l’écoute de ce que les glaciers ont à nous dire que nous devons user de nos efforts ?

Comment sommes-nous liés aux glaciers ?

Les glaciers, les forêts, les animaux, n’importe quoi qui te connecte à la nature, plus tu t’y connecte, plus ça s’horizontalise, et tu te rends compte que tu fais partie de cette bonne histoire des glaciers. Mais les glaciers, comme le phoque, comme la petite fleur qui pousse sur ton balcon, la biodiversité, le vivant, le non vivant sur Terre, tout ce qui nous entoure, tout cela nous rattache à l’histoire de la vie, au cosmos, à nos enfants qui arriveront après nous, ça nous connecte à une grande ligne qui parle d’un passé lointain et qui va très loin dans le futur et dans laquelle on est un tout petit maillon. 1

Jean Baptiste Bosson, glaciologue

Depuis l’existence de l’homo sapiens il y a 300 000 ans, les grands glaciers ont toujours été présents en influançant le climat dans lequel on vit et dans lequel on a développé notre habitabilité. Sans glaciers, la température de la Terre serait beaucoup plus élevée et le niveau marin beaucoup plus haut.Comme mentionné au début de l’article, pour Jean-Baptiste, c’est très clair : “On ne sait pas vivre sans glacier, génétiquement, on n’a pas ça dans notre ADN. Si on perd les glaciers, on va vers quelque chose où l’on sort complètement des radars de l’histoire de l’homme, de l’histoire récente du vivant sur la planète et on prend quand même des gros risques.”

Parce que c’est aussi cela, ressentir les conséquences de la fonte des glaciers, c’est nous questionner sur leur place dans ce monde et son rôle important, plus encore que notre propre existence. Ils sont avant nous habitants et composantes de la Terre, mais souffrent d’autant plus de ce réchauffement climatique qui nous accable. Qu’attendons-nous pour écouter cette voix qui nous alerte ?

Il est urgent d’agir pour préserver les glaciers qui résistent encore aux effets du changement climatique, ce qui ne se fera pas sans une volonté collective et politique forte dans le sens de la réduction des émissions de gaz à effets de serre.

Par Nicolas Vaillant, bénévole La Voix des Glaciers.


  1. Réflexion inspirée de la mention du livre de Bernadette Bensaude-Vincent intitulé “Temps-paysage: Pour une écologie des Crises”. Elle nous invite à penser l’humain et le non-humain -vivant et non vivant- sur une même échelle. A savoir que nous sommes tous composés de lignes et que l’enchevêtrement de ces lignes forme notre existentialité au sein même du paysage. Il s’agit alors de sortir de notre situation surplombante pour nous plonger dans l’immanence et reconsidérer ce qui nous entoure, ici la nature..

Confinement – les initiatives porteuses d’espoir #2

Confinement – les initiatives porteuses d’espoir #2

par Alya Giolitto

Alors que le 11 mai lançait le coup d’envoi d’une première phase de déconfinement, nous retrouvons petit à petit nos modes de vie et ré-apprenons à sortir. 

Déconfiné.es oui, mais pour aller où? Et pour faire quoi?

Ainsi se pose la question de l’après, du monde post-covid-19 et de la forme que nous souhaitons lui donner. Il semblerait que, de cette pause forcée, une prise de conscience collective a émergé. La prise de conscience d’une nécessité de réajuster le cap et de transitionner d’un système de croissance illimitée au modèle épuisé vers une économie durable. Donnons nous les moyens de nos ambitions et servons nous de ce tremplin pour nous ré-inventer!

Heureusement, de nombreux.ses acteur.trices oeuvrent à favoriser le changement, et puisqu’on peut enfin sortir ce mois-ci, voici un tour d’horizon des porteur.ses d’espoir de la mobilité.

Le funiculaire qui relie Bourg Saint Maurice aux Arcs sera gratuit cet été

Près de la moitié de nos émissions nocives provient de l’industrie, des transports et des bâtiments. Comment limiter les émissions de plus de 1,5 milliard de voitures énergivores en circulation dans le monde? La gestion de la mobilité dans la lutte pour la protection de l’environnement est un enjeu qui nous tient particulièrement à cœur au sein de POW.

  • TOU.TES À VÉLO – L’arrêt brutal de la quasi-totalité des transports a eu pour effet direct une diminution des émissions de certains gaz à effet de serre et une amélioration de la qualité de l’air. Pour éviter un renversement de la tendance à la sortie du confinement, le gouvernement a décidé de lancer son plan vélo, doté d’une enveloppe de 20 millions d’euros pour faciliter la pratique du vélo  et éviter un retour massif à la voiture en réponse à un prévisible délaissement des transports en commun. 50 euros sont disponibles pour chaque citoyen souhaitant remettre en état son vélo. Pas de frais à débourser, le réparateur se fait directement payer par l’Etat.
    La liste des réparateurs référencés est disponible sur le site de la Fédération française des Usagers de la Bicyclette (FUB), à l’origine de l’initiative. Également prévu dans le plan vélo,  le financement de places de stationnement temporaires, la mise à disposition de formations pour apprendre ou réapprendre à rouler à vélo et l’instauration dans le secteur privé du forfait mobilités durables.
  • COUP DE PÉDALE AUTORISÉ – En sus du plan vélo annoncé par la ministre de la transition écologique et solidaire, et  grâce au recours  de la FUB, le conseil d’État a émis la directive suivante : Le gouvernement doit indiquer publiquement que le vélo est autorisé durant la crise. “Oui, le vélo est une solution de mobilité particulièrement utile pour faire face à tous les enjeux actuels, qu’ils soient sanitaires ou environnementaux”, exprime la FUB. Ces mesures vont dans le bon sens, celui de la mobilité durable et non polluante, terrain sur laquelle la France  dispose d’une très grande marge de progression. 60% des trajets français ne dépassent pas les 5 km alors que l’usage du vélo ne concerne que seulement 3% des déplacements français contre 28% pour nos voisin.es néerlandais.es et 12% en Belgique.
  • LA MONTAGNE, ÇA VOUS GAGNE – L’été dernier, la station Les Arcs repensait entièrement son funiculaire pour le rendre 100% électrique. Il est accessible depuis Bourg Saint Maurice et doté de vitres panoramiques offrant une vue spectaculaire sur la vallée. Cet été la station offre la possibilité de l’emprunter gratuitement du 4 juillet au 29 août. Le funiculaire permet d’accéder depuis Bourg Saint Maurice au premier site d’altitude: Arc 1600, le tout en seulement 7 minutes. Accessible depuis la gare TGV de Bourg Saint Maurice, il positionne les Arcs comme une station entièrement accessible sans voiture. Une façon propre de se rendre en montagne hiver comme été.
  • AVENTURES SANS VOITURE – Et si l’initiative des Arcs donne envie d’aller plus loin, voici une sélection de 10 films à voir pour découvrir les Alpes en mobilité douce. Le preuve qu’il est possible d’aller vivre des aventures en montagne sans utiliser de voiture.
  • GÉNÉRATEUR D’AVENTURE – S’il est encore compliqué d’aller gambader en montagne, on peut préparer les aventures à 100 km à la ronde, le site Carte Sortie Confinement se charge de délimiter les contours de notre territoire de jeu. Il n’y a plus qu’à renseigner son adresse du moment et le site génère un rayon de 100 km qui donne la part belle aux parcs nationaux largement représentés! En espérant que ces initiatives donnent envie de participer à la construction d’un monde meilleur, et surtout durable…
Les sentiers du Mercantour, à découvrir sans tarder !
  • ELÈVE TA VOIX – Dans la lutte contre le changement climatique, notre vote et participation au débat politique est aussi, si ce n’est plus, important que notre mode de vie. La crise que nous traversons, de part son caractère mondial, montre l’utilité de l’action citoyenne et la nécessité d’une coopération internationale. Tou.tes les citoyen.nes européen.nes sont invité.es à participer à la fixation d’un objectif de l’Union Européenne plus ambitieux en matière de climat à l’horizon 2030 et sur les actions nécessaires pour réduire plus drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. La consultation est disponible en ligne jusqu’au 23 juin. A vos idées !

Sources