Retour sur le One Planet Polar Summit
Il y a quelques semaines, Garance et Laura de la Team POW se sont rendues au One Planet Polar Summit, le tout premier sommet international consacré aux glaciers et aux pôles. Un sommet international pour les pôles et les glaciers, mais pour quoi faire ? Est-ce que ça a été utile ? On vous dit tout !
Si vous nous suivez vous le savez, les glaciers et les pôles jouent un rôle indispensable dans la régulation du climat, du cycle de l’eau, la montée du niveau des mers, l’effet d’albédo, l’accès à l’eau, etc.
Ils sont les moteurs du changement climatique ! Les enjeux liés à la cryosphère sont environnementaux mais aussi sociaux, commerciaux, et géopolitiques. Et surtout ces enjeux sont globaux, ce qui signifie que le monde entier est concerné d’une façon ou d’une autre car ce qui se passe aux pôles ne reste pas aux pôles.
Aujourd’hui, les régions polaires et les glaciers vont très mal et les récents constats scientifiques font tous peur : l’Arctique sera privé de banquise d’été dès 2030, l’Antarctique n’a jamais eu une couverture de glace aussi faible, l’Arctique se réchauffe 4 fois plus vite que le reste de la planète (le Svalbard 6 à 8 fois plus vite, nos glaciers français c’est 2x plus vite) et le Groenland est responsable – à lui seul – de 17% d’élévation du niveau des mers. Même si les pôles nous semblent être des régions lointaines, notre quotidien est directement lié à eux. Alors il était grand temps qu’un maximum de pays se réunissent pour traiter de ce que le GIEC considère comme l’une des 10 menaces majeures du réchauffement climatique : la fonte des glaces. Et si la cryosphère est en voie de disparition aujourd’hui, c’est à cause des trop fortes émissions de GES et de la combustion d’énergies fossiles pour les activités humaines.
C’est dans ce cadre que le Président de la République, Emmanuel Macron, et l’Ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes, Olivier Poivre d’Arvor, ont initié le One Planet Polar Summit. Ce sommet s’est déroulé le 8, 9 et 10 novembre au Museum national d’Histoire naturelle de Paris et il a rassemblé chercheurs, scientifiques, ONG, explorateurs, fondations et représentants des peuples autochtones pour faire part des constats et observations scientifiques aux leaders politiques. Parmi tout ce monde il y avait des noms connus comme : Jim Skea, Valérie Masson Delmotte, Christophe Béchu, l’Institut Paul-Emile Victor ou encore Jean Jouzel. Du côté des scientifiques, une des attentes principales de ce sommet était de voir la Stratégie Polaire d’avril 2022 obtenir un financement. Parallèlement, l’enjeu pour les ONGs était de mobiliser tous les acteurs pour motiver les pouvoirs publics à passer à l’action et obtenir des engagements fermes de la part des leaders politiques. En parallèle de ce sommet se tenait le Forum de Paris sur la Paix. Lors du sommet, les différentes personnalités politiques ont insisté sur le fait que l’équilibre de la paix dans le monde dépend largement de la gestion de l’Arctique et de l’Antarctique. Ce One Planet – Polar Summit s’inscrit dans la continuité du One Forest Summit du 1er et 2 mars 2023 qui été dédié aux forêts tropicales.
Pour marquer l’ouverture de ce sommet, POW était présent aux côtés d’autres ONGs (comme nos voisins de Mountain Wilderness) et glaciologues pour demander la mise en place de 4 mesures fortes et immédiates pour protéger les glaciers, incluant notamment un arrêt définitif des aménagements sur glaciers en vue d’activités touristiques (coucou le glacier de la Girose).
Vous pouvez lire et signer cet appel ici !
Les deux premières journées étaient consacrées à un forum scientifique qui a regroupé l’ensemble de la communauté scientifique internationale avec notamment les experts du GIEC et de l’IPBES. Séparés dans des salles différentes, ces trois groupes de travail avaient pour objectif de préparer les recommandations politiques. Les scientifiques sont venus présenter leurs travaux à tour de rôle. Le mercredi 8 au soir, s’est tenu le lancement de la Fondation Albédo pour la Cryosphère. Cette fondation était annoncée dans la Stratégie Polaire pour 2030 intitulée “Équilibrer les extrêmes” et elle a été créée sous l’égide du CNRS par Frederik Paulsen, milliardaire et explorateur suédois qui souhaite soutenir la recherche polaire française.
La deuxième journée a permis de poursuivre le travail de la première, mais c’était également l’occasion de parler des écosystèmes post-glaciaires. En effet, protéger les glaciers est essentiel mais il faut déjà anticiper la protection des espaces et écosystèmes post-glaciaires. Une étude parue à la fin de l’année 2022 a démontré que d’ici la fin du siècle on aura perdu la moitié des glaciers sur Terre, ce qui signifie que de nouveaux écosystèmes vont apparaître suite à la fonte des glaciers et qu’il faut d’ores-et-déjà s’attaquer à la protection de cette future nature. Et c’est notamment le message qu’entend porter le maire de Bourg Saint Maurice, Guillaume Desrues, avec la mise en place d’un projet pédagogique autour de l’Aiguille Rouge. Au cours de sa prise de parole, le maire de BSM a insisté sur le fait que le ski est une activité qui doit faire preuve de résilience et d’adaptation face à la disparition des glaciers. Il a d’ailleurs souligné : “Il faut une transition de modèle économique et cet engagement doit notamment passer par le ski.“ (NDLR: en France, 8 domaines skiables permettent de skier sur un glacier)
Conclusions :
Que faut-il retenir de ce premier sommet ? L’aboutissement de ce sommet c’est l’Appel de Paris pour les glaciers et les pôles qui combine les recommandations scientifiques mais aussi celles de la société civile et qui a été signé par 30 pays. Parmi ces pays, on ne retrouve pas les pays arctiques.
À l’occasion de sa déclaration le 9 novembre, Emmanuel Macron a notamment annoncé :
- 1M pour la recherche polaire
- Un nouveau navire à capacité glace pour la flotte océanographique française qui portera le nom de Michel Rocard
- La rénovation et la modernisation des stations Durmont d’Urville et Concordia en Antarctique en minimisant leurs impacts sur l’environnement
- Renforcement du budget de l’IPEV (Institut Paul-Emile Victor)
- Sa volonté de créer des aires marines protégées pour l’Arctique et l’Antarctique.
Concernant les glaciers de la métropole, le Président appelle à une concertation pour voir la totalité des glaciers de la métropole en protection forte (actuellement c’est 60% des glaciers qui sont en aire protégée de niveau fort). Une annonce qui a rendu optimiste de nombreuses personnes, comme celles militant pour l’arrêt des travaux sur le glacier de la Girose.
Sauf que comme souvent, derrière les annonces, il faut éviter de se réjouir trop vite, car quand on dit qu’une concertation va avoir lieu, ça veut dire que : 1. ça va prendre du temps 2. pour l’instant ça n’engage à rien.
En attendant, on tient à rappeler encore et encore que l’efficacité de ces mesures est conditionnée à la réduction de nos émissions de GES (induisant la sortie de notre dépendance des énergies fossiles et l’application de l’accord de Paris.) Ce qui a d’ailleurs été souligné dans les recommandations de la société civile et les recommandations des scientifiques, car augmenter le budget de la recherche, c’est très bien. Mais ne pas augmenter drastiquement toutes actions limitant le réchauffement climatique, ça l’est beaucoup moins et ça rend inutile la 1ère mesure.
Rappelons ici que malgré cet appel, aucune mesure ne sera efficace si nous ne réduisons pas de manière drastique nos émissions de gaz à effet de serre et restons en dessous des 1,5°C de réchauffement.
Le point positif à retenir néanmoins, c’est que la mobilisation -notamment entre ONG et scientifiques – ça marche (parfois, mais c’est la note positive qui fait du bien) et c’est nécessaire afin de faire remonter des sujets à la classe politique. Maintenant, à nous de rester vigilants sur la concrétisation des différentes paroles et surtout, à nous de veiller à ce que des engagements forts soient pris sur d’autres sujets (comme le transport évidemment !).
Les experts mondiaux ont donné une feuille de route pour l’action sur la cryosphère. Nous avons maintenant besoin du courage politique des dirigeants pour la mettre en œuvre
On prend bonne note !