Emissions de GES régionales : la voiture en pole position ?

Le transport est le premier responsable des émissions de GES (gaz à effet de serre) des stations de montagnes. 57 % des émissions de GES de ces stations sont dues au transport. Le nombre est impactant. Au point qu’on lui consacre le titre de notre campagne.
Objectif –57 : Le défi est lancé. Tant que ce nombre ne réduira pas drastiquement, des campagnes verront le jour pour informer, encourager, mobiliser dans cette direction.
Première étape pour Objectif-57 : les élections régionales. Et avant de parler d’actions ou de solutions, état des lieux des émissions de GES en France.

Dans son dernier rapport, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) nous montre que le transport représente 31 % des émissions de GES 1  en France en 2019, soit 136Mt eqCO2 (98 Mt eq CO2 pour les voyageurs et 38 Mt eq CO2 pour les marchandises). 2 Loin devant l’agriculture (19%), le bâtiment (18%) et l’industrie (18%). 
Premier constat pour rentrer dans le vif du sujet, le problème du transport dépasse le cadre des stations de montagnes. Il concerne chacun.e d’entre nous, quelle que soit la région où l’on habite et où l’on vote. Vous pourrez donc envoyer cet article à n’importe qui, même votre ami surfeur. 
Le HCC va plus loin en nous montrant des infographies avec le détail des secteurs et de leurs émissions de GES. On peut voir qu’il existe de grandes disparités entre les régions, avec chacune des enjeux différents selon leur secteur majeur. 

Par exemple, nos ami.e.s breton.ne.s sont principalement concerné.e.s par le secteur de l’agriculture (avec 12.9 Mt eq CO2).  

Nos ami.e.s des Hauts-de-France sont majoritairement concerné.e.s par le secteur de l’industrie (avec 22.7 Mt eq CO2).  

Tandis que nos ami.e.s d’Ile-de-France sont majoritairement concerné.e.s par le secteur du bâtiment (avec 19.2 Mt eq CO2). 

Pour chacune de ces régions, le secteur le plus émetteur est différent. 
Pourtant, nous l’avons vu ci-dessus, nationalement le premier secteur émetteur de GES est le transport, de très loin.
Comment expliquer cela ?

Il y a deux choses à souligner sur la mobilité en regardant le reste des infographies :

 
– D’abord, quand on regarde l’infographie générale du HCC, on peut voir qu’il y a plusieurs régions où le secteur du transport reste la locomotive en terme d’émissions. Sont nommées : Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val de Loire. Mention spéciale pour la Guadeloupe, pour qui le secteur du transport représente 3.1Mt eq CO2 sur un total de … 4.1 Mt eq CO2. 

– Ensuite, l’information majeure se trouve derrière la 1ère place du classement.  
Le transport, lorsqu’il n’est pas premier responsable des émissions de GES, est deuxième dans toutes les autres régions, excepté en Normandie où il occupe la 3ème place. 3 

Donc oui, la Bretagne et l’Ile de France ont deux champions qui ne boxent pas dans la même catégorie, c’est normal. Il est plus facile d’élever des vaches ou de construire des abattoirs dans le Finistère qu’en plein Paris.  Mais le transport, c’est tout le monde, tout le temps, partout. 
 
C’est le cœur du problème annoncé en début d’article : peu importe où vous voterez, la mobilité peut doit vous intéresser. 
C’est un enjeu majeur pour toutes les régions françaises.

Le transport est le seul secteur dont les émissions ont augmenté depuis trente ans

Corinne Le Queré

Présidente, Haut Conseil pour le Climat

Plus que les chiffres en eux-mêmes, ce qui est important c’est la tendance. Soyons honnêtes, cela ne parle pas forcément à une grande partie d’entre nous le fait que telle région émette tant de méga tonnes d’équivalent CO2, et c’est normal. Ce qui doit nous alerter, c’est non seulement le fait que la question de la mobilité concerne tout le monde, mais qu’elle ne fait que s’accroître. 
Comme le rappelle Corinne Le Queré, la présidente du HCC, dans sa présentation du rapport annuel 2020 du HCC : le transport est le seul secteur dont les émissions ont augmenté depuis trente ans. 

En ligne de mire ? La voiture4
Les plans de relance ces dernières années se sont focalisés sur le secteur automobile souligne cette dernière. 
Prenons l’exemple des montagnes, notre espace favori !

Ce graphique de G2A (analyste du secteur de la montagne) nous montre la surreprésentation de la voiture comme moyen de passer un séjour en station. Les 85 % de trajets de voiture en moyenne, constant ces dernières années, écrase de loin le train (10 %) ou l’autocar (3 %).
Et c’est logique, la route est plébiscitée depuis des années, au détriment du reste.
 
La voiture, c’est le symbole de la liberté. La possibilité de partir à tout moment dans la direction que l’on souhaite pour une durée inconnue (si si, souvenez-vous de l’avant covid !). 
Pour beaucoup, les différents risques, qu’ils soient routiers ou environnementaux, ne font pas le poids contre cette liberté. Et cela se comprend. Surtout quand les alternatives ne font pencher que très peu la balance. 
Les différentes politiques de ces dernières années vont dans ce sens. Les plans de relance économique envers le secteur automobile (+ de 8 milliards d’euros pour le plan de relance acté après le premier confinement), les différents bonus ou autres primes à la conversion en témoignent. 
Toutes les mesures vont dans une seule direction : rendre les voitures plus propres.  
Et ce malgré les différents coûts que cela entraîne, qu’ils soient économiques, écologiques, sociales ou encore éthiques.  Les débats houleux sur les publicités pour les SUV lors de la Loi Climat témoignent des difficultés à toucher au mythe de la voiture. 5 
Comme si aucune autre alternative ne pouvait avoir autant d’importance dans une transition vers une mobilité bas carbone ; et ce malgré nos propres objectifs. 

Chaque année, des objectifs sont fixés par la France. Ces objectifs sont définis dans la Loi de transition énergétique pour la croissance verte et déclinés dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). L’observatoire Climat-Energie est là pour faire un état des lieux et évaluer le niveau d’atteintes des objectifs fixés. En regardant leurs résultats, on y apprend notamment que la mobilité des voyageurs a augmenté de 3 % (par rapport aux objectifs de 2019), le fret routier de 4 % et les émissions des véhicules particuliers neufs de 28 %. Pendant ce temps, le fret ferroviaire et fluvial est 23.9 % en dessous des objectifs fixés, principalement dû à la baisse du fret ferroviaire (nous reviendrons sur l’état du ferroviaire plus en détails dans un prochain article).

Ce qu’il y a à retenir ici, c’est que la stratégie entière doit être revue, de manière à investir dans les transports publics et les infrastructures à mobilité douce, afin d’accompagner les usagers dans une mobilité bas carbone. S’il est actuellement très difficile de penser une société dans laquelle on se passerait de voiture, si tant est que ce soit possible, il est difficilement imaginable de dessiner une société bas carbone en maintenant la voiture au stade d’intouchable. Surtout quand des investissements/aides de masse s’envolent également vers l’aéronautique (7 milliards d’euros d’aides pour Air France en 2020 de la part de l’Etat français, qui rallonge cette aide de 4 milliards d’euros en 2021). 
 
L’enquête “Mobilité des personnes 2018-2019″, enquête nationale sur les déplacements des personnes réalisée environ tous les dix ans, nous dit que : 
-La voiture est le premier mode de transport, avec 114 millions de trajets, soit 63 % des trajets 
-Les transports en communs sont empruntés pour 9.1 % des trajets 
 
La différence est colossale et montre l’ampleur du défi pour réduire cet écart. 
Heureusement, des efforts allant dans ce sens sont faits par de plus en plus de personnes : 
-La part des déplacements en transports en communs progresse de manière significative chez les 19-24 ans (20 % des déplacements) avec une augmentation de 6 points par rapport à 2008. 
-La baisse de l’utilisation de la voiture est la plus marquée chez les 25-34 ans (65 %) avec une baisse de 5 points par rapport à 2008 et une augmentation de 1.6 points en ce qui concerne les transports en communs (9 %).

Les efforts de chacun.e – qu’ils soient de prendre plus souvent le train pour éviter la voiture, de faire davantage de covoiturage, ou tout simplement de se tenir informé.e.s – sont essentiels pour une transition vers une société plus respectueuse du climat et de la montagne. Et ils sont de plus en plus nombreux. Cependant, ces efforts ne sont pas là pour pallier le manque de considération envers le climat de différents élu.e.s. Ils doivent servir à pousser ces-derniers à aider davantage les citoyens et permettre une vraie transition vers une mobilité plus respectueuse du climat. Peu importe s’il vous arrive de prendre la voiture pour aller rider ou pas.  

Evidemment, les plans de relance pour la voiture ou encore les aides données à Air France ne sont pas du ressort des élu.e.s régionaux.  Les régions n’ont pas la main mise sur la majorité des émissions attribuées aux différents territoires, c’est un fait. Toutefois, elles ont des compétences pour être des alliées de taille dans les combats à mener, tout particulièrement sur le sujet de la mobilité. Et chaque région, territoire de montagne ou non, doit agir dans ce sens. 


La mobilité est un sujet large, complexe et sensible. Mais les solutions futures ne passeront que par une mobilisation collective et une entraide interrégionale. 

 
Quelles compétences ont-elles pour agir ? Ce sera le sujet de notre prochain article !



  1. Uniquement les émissions directes intérieures, c'est à dire les émissions liées à la combustion des carburants. Ne sont pas pris en compte les émissions liées à la construction des véhicules, des infrastructures ou encore du raffinage de carburants ... Ne sont également pas pris en compte les émissions liées aux transports internationaux partant ou arrivant de France

  2. Unité de mesure créée par le CIEC pour comparer les impacts des différents gaz à effet de serre (GES) en matière de réchauffement climatique et pouvoir cumuler leurs émissions.

  3. Liens vers toutes les infographies en bas de l'article.

  4.  94 % des 31 % d'émissions dues au transport cités au début de l'article sont pour le transport routier, dont plus de la moitié pour les véhicules particuliers

  5. Les propositions pour réguler la publicité pour les SUV, émises par la Convention Citoyenne pour le Climat, ont été refusées.