Glaciers pyrénéens : vers des glaciers bientôt oubliés ?




Glaciers pyrénéens : vers des glaciers bientôt oubliés ?

Les glaciers pyrénéens sont les plus touchés par le réchauffement climatique en France. Ils présentent une régression de superficie de 90% depuis 1850 contre 50% pour les Alpes. Le climat régional, son emplacement ainsi que son altitude (Le massif de Maladeta, le plus haut, culmine à 3400m) expliquent la fragilité de ces glaciers, souvent mis de côté par rapport à ceux des Alpes. On en parlait l’année dernière dans un article ici, qui synthétisait le rapport de l’association Moraine, couvrant la période 2020-2021. On vous en reparle aujourd’hui pour faire une mise à jour de la situation avec le dernier rapport de 2022. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les nouvelles ne sont pas réjouissantes…

Les glaciers du Boum et du Portillon situés à environ 2 800m d’altitude ont été déclarés morts, et vont définitivement disparaître de l’inventaire des glaciologues. Entre 1950 et 2010, les températures des Pyrénées ont augmenté de 1,2 degrés, une hausse qui leur a été fatale. Ainsi lus, ces 1,2 degrés peuvent paraître insignifiants et minimes, mais leurs effets dramatiques se font ressentir depuis plusieurs années déjà, et nous ont mené à un point de non-retour dans les Pyrénées. Les glaciologues avaient pourtant prévenu.
Les glaciers des Pyrénées font partie des premières victimes naturelles du réchauffement climatique en France. Même si le climat cesse de se réchauffer drastiquement, ils sont condamnés et continueront de fondre, a assuré le glaciologue Pierre René. D’ici 2050, ils pourraient avoir totalement disparus.
Depuis 1850, la régression de leur superficie a été vertigineuse : ils présentent une perte de 90% contre 50% pour les Alpes. Le climat régional, son emplacement ainsi que son altitude (côté français, le Vignemale culmine à 3 298m et côté espagnol, l’Aneto s’élève à 3 400m) expliquent la fragilité de ces glaciers, souvent mis de côté par rapport à ceux des Alpes, alors qu’ils sont tout aussi précieux pour la préservation de nos écosystèmes et pour comprendre les évolutions du climat. Cet article mis à jour synthétise le rapport de l’association Moraine sur la période 2021-2022. Créée en 2001, elle constitue l’Observatoire des Glaciers des Pyrénées françaises et suit annuellement leur évolution.
L’association Moraine est l’unique entité effectuant des suivis réguliers de 9 glaciers pyrénéens français, qui sont désormais réduits au chiffre de 7. Elle travaille étroitement avec les glaciologues espagnols afin de partager des informations sur l’ensemble du massif. Elle se base sur trois indicateurs pour étudier l’évolution des glaciers :
– Les variations de longueur des glaciers
– Les variations de surface des glaciers
– Les variations d’épaisseur des glaciers
Pour tout comprendre sur indicateurs, on en parle ici 

Résultats 2022
Concernant leur longueur, plus aucun glacier des Pyrénées ne dépasse 1km² de superficie, sur les 9 étudiés. Les dernières mesures montrent que pendant l’été 2022, la régression du front glaciaire a été deux fois plus importante que la moyenne de -8m par an, avec une perte de 16,5m. Les canicules extrêmes de cet été auront eu raison d’eux.
Entre 2002 et 2022, la régression de la surface de ces 9 glaciers a été de 55% en passant de 140ha à 62,5ha. Cette même surface était d’environ 450ha en 1850.
Les dernières données sur l’épaisseur des glaciers pyrénéens sont dramatiques : sur les 9 étudiés, 8 ont montré une absence totale de régénération en 2022, soit de 0%. Pour rappel, ce bilan de masse est équilibré pour un ratio d’accumulation de 60%. En 2020, il était de 12%. Son absence cette année est « inédite depuis le début des relevés et traduit des déficits glaciaires extrêmes » nous apprend Pierre René dans son rapport.
A titre d’exemple, l’emblématique glacier d’Ossoue situé sur le Vignemale a connu un record de perte d’épaisseur avec -4,06m d’eau, drastiquement plus forte que la moyenne depuis 2002 qui était de -1,68m.

 

Les conclusions scientifiques et chiffres parlent d’eux-mêmes : les glaciers pyrénéens ne peuvent plus s’adapter aux conditions climatiques actuelles, devenues trop extrêmes pour leur survie. L’escalade des températures depuis le début du XXe siècle est malheureusement trop importante. La canicule du mois de mai a entraîné une fonte précoce des glaciers qui s’est aggravée au cours de l’été. La disparition des glaciers pyrénéens n’est plus une option : d’ici trop peu de décennies, il n’en restera plus que des souvenirs. Les glaciers font partie d’un patrimoine naturel précieux qui disparaît chaque jour sous nos yeux. Ils représentent de véritables indicateurs de santé de notre planète et du réchauffement climatique. Selon le GIEC, leur fonte est l’une des dix menaces majeures causées par ce dernier. Les effets de cette fonte sont multiples, et dangereux. Ils affectent directement la biodiversité et les ressources en eau, ne nous laissant pas d’autres choix que de nous y adapter, et continuer de préserver nos belles montagnes qui regorgent encore de précieuses ressources. Les Pyrénées, oui, mais pas que. Selon l’UNESCO, plusieurs autres glaciers pourraient avoir disparu d’ici 2050 : en Afrique, en Asie, en Italie, en Amérique Latine et en Amérique du Nord. Si plusieurs glaciers sont définitivement condamnés ou tout près de l’être, il est encore temps d’agir pour sauver d’autres glaciers de montagne qui souffrent tout autant, mais résistent encore grâce aux conditions dans lesquelles ils vivent. Leur évolution mérite notre plus grande attention, et les scientifiques qui les étudient tout notre soutien.
Côté Pyrénées, n’hésitez pas à aller vous informer sur le site de l’association Moraine que vous pouvez aussi soutenir : http://asso.moraine.free.fr/
N’hésitez pas non plus à contacter directement les glaciologues, ils adorent parler de leur travail et de ces glaciers auxquels ils tiennent énormément, et vous expliqueront avec plaisir tout ce qui va se jouer dans les prochaines années et ce qui contribue à leur fonte. De notre côté, vous pouvez compter sur nous, on prépare des choses sur le sujet pour 2023 !