Protégeons nos bonnets : Vivian Bruchez et la capsule hivernale
Protégeons nos… bonnets : Vivian Bruchez et la Capsule Hivernale !
Après avoir annoncer le lancement de notre projet de Capsule Hivernale la semaine dernière (les grandes lignes du projet à retrouver ici), lundi est sortie la 1ère interview d’athlète avec Chloé Trespeuch (ici).
Rapide rappel pour celles et ceux qui viennent d’arriver : le projet de Capsule Hivernale consiste à illustrer l’engagement de différents athlètes, portant différents projets, par le placement d’un objet qui leur est cher dans une capsule temporelle. Cette dernière sera ouverte symboliquement l’hiver 2025 pour voir le chemin qui a été fait.
Durant quelques semaines, vous allez découvrir des athlètes à travers des interviews : l’occasion pour eux de parler de leurs engagements, leurs projets…
On enchaîne aujourd’hui avec Vivian Bruchez, qui a placé dans la capsule son bonnet !
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Vivian Bruchez, je suis guide de haute montagne, skieur de pentes raides et également professeur à l’école nationale de ski et d’alpinisme.
À travers ton métier et ta passion, tu portes un projet d’étude de la qualité de l’air et tu as rassemblé autour de toi plusieurs acteurs, dont POW France. Est-ce que tu peux nous parler de ce projet et de comment tu en est venu à le faire ?
Ecoute, au départ moi j’ai déjà un projet plutôt de skieur, qui est de skier tous les “4000” des Alpes. Il y en a 82, donc beaucoup. Et à travers ce projet-là, je me rends compte que j’ai beaucoup de chance de pouvoir parcourir les montagnes et d’être super libre dans mes itinéraires, dans mes choix et tout ça. Donc j’avais envie d’amener une forme de témoignage de la qualité de l’air, parce que très souvent je pars du bas de la vallée pour aller jusqu’au sommet des montagnes et donc je passe par tous les étages de végétations : ça part des vallées, ça arrive sur des glaciers et finalement ça arrive sur les sommets. C’est là que je me suis rapproché de POW France qui m’a aidé avec cette idée de recherche de données par des petits boîtiers avant de me mettre en lien avec ATMO qui travaille vraiment sur la qualité de l’air. Ils m’ont dit qu’ils allaient me fournir un boîtier pour que je puisse faire des relevés à travers mon projet.
Donc je trouve que ça a beaucoup de sens dans ce que je fais parce que oui, je passe souvent dans des endroits où il n’y a encore personne qui est passé. C’est parfois des nouveaux itinéraires, c’est parfois des itinéraires classiques. Je me déplace à travers toutes les Alpes puisque les 82 “4000” c’est sur toute la chaîne des Alpes. Alors voilà, c’était une manière pour moi de répondre à des questions que je peux avoir et de le faire hyper simplement.
Oui, parce que la pollution de l’air ce n’est pas vraiment quelque chose de tangible, comme les chutes de roches ou l’effondrement des glaciers. Est-ce que ce projet-là t’as aidé à te rendre compte de cette problématique ? Notamment liée au transport.
Alors tu vois moi, à travers mon métier de guide, j’ai un vrai témoignage terrain. La chose primordiale pour moi, c’est que je vois les choses, je vois les montagnes changer, l’enneigement baisser, les montagnes qui bougent surtout l’été… Donc ça je le vois beaucoup, pour moi c’est l’aspect numéro un. Mais forcément la qualité de l’air ça ne se mesure pas, enfin c’est quelque chose qu’on ne voit pas d’un simple coup d’œil. Ce projet c’était un peu mesurer l’invisible, c’est ça qui m’intéressait !
On entend de plus en plus de scientifiques parler de leur travaux sur le réchauffement climatique mais on peut parfois avoir du mal à comprendre ce qu’il se passe, c’est des messages qui paraissent assez techniques. Est-ce que c’était une volonté de ta part aussi de vulgariser ce sujet-là à ta manière, auprès de ta communauté ?
Je pense qu’on a vraiment besoin d’avoir un regard scientifique parce que ça fait un état des lieux. Par contre, pour moi c’est vraiment très important d’apporter un discours terrain de pratiquant en face. Des gens qui voient les choses, qui ressentent les choses. C’est le combo des deux qui est intéressant. Si c’est trop scientifique, on en a presque peur et souvent c’est très alarmiste. Alors que sur le terrain, en tant qu’athlète, t’as un aspect émotionnel qui fait qu’on a envie de défendre le “beau” et je pense que c’est important. Forcément, on va critiquer le transport pour venir dans nos stations, dans nos montagnes, mais en attendant on est extrêmement heureux d’accueillir des visiteurs venant les regarder ces montagnes. Il y a donc beaucoup de questions qui se posent. Moi j’encourage vraiment les gens à aller voir la beauté des montagnes mais c’est sûr qu’il faut qu’on travaille pour les préserver.
Qu’est-ce qui t’as motivé de mener un projet écologique au travers ton métier, de ta passion ?
C’est le plus grand enjeu de demain. Pour nous, quand on est montagnard, quand t’es guide de haute montagne, forcément ton enjeu principal doit être de préserver cette montagne . Après actuellement, je n’ai pas l’impression que ça m’aide parce qu’il y a beaucoup d’incertitude. Je dirais que ce que je fais aujourd’hui, c’est collecter de l’expérience, collecter des données pour mieux les transmettre après. Forcément, le faire sur le terrain, avec de la passion, c’est beaucoup plus simple.
Une dernière question qui est plus liée à l’actualité, avec les jeux asiatiques d’hiver de 2029, mais aussi par rapport aux JO en Chine l’année dernière. Comment tu vois le rôles des athlètes dans ces sujets là ? Le rôle des fédérations ?
C’est un sujet qui est extrêmement épineux parce que tu sais pas trop quoi en penser. Même au départ, parfois tu ne sais pas si c’est fake en fait. Surtout que moi, dans tout ce que je fais, je suis super défenseur en disant “faut skier la neige quand elle est là”. Même ne serait-ce que produire de la neige, bah oui il faut quelque part, mais il y a parfois plein de neige au printemps, même des fois dans l’été et finalement cette neige on ne la ski pas. Déjà ça ça me marque pour chez nous. Alors c’est sûr que quand on te parle de compétitions internationales qui se passe dans le désert, c’est quand même marquant. Oui, je pense que les athlètes de haut niveau, voire les anciens qui sont des portes parole, ils ont vraiment leur mot à dire. Ils peuvent être révélateur de conscience : s’ils mettent de la lumière sur quelque chose, je pense qu’ils vont être écoutés. Après, il faut trouver les bons mots. Je ne sais pas d’ailleurs si vraiment ça pourrait être annulé, ou changer d’ici 2029. Je ne sais pas, on verra.
Merci ! Si tu veux rajouter un dernier mot, sur le projet ou autre ?
Je pense que ce sont des sujets qui sont hyper intéressants. Très souvent, le fait de faire des projets en commun, avec différents athlètes, ça permet de prendre conscience de certaines choses, donc je pense que c’est des choses à faire. Puis c’est bien d’accompagner les athlètes dans leur discours aussi, parce qu’au final nous on a nos visions mais elles ne sont pas tout le temps justes. Ce projet, qui s’inscrit dans le temps, est assez symbolique : laisser un objet, voir comment ça évolue dans le futur… Pour moi c’est un symbole fort, c’est bien !
Le mot de POW
C’est un peu particulier de parler du projet de Vivian – et en même temps ça nous rend d’autant plus fier – que nous sommes partie intégrante de ce projet. La qualité de l’air est un enjeu majeur, à la fois en France, en Europe et dans le monde. Lié notamment à nos mobilités, cet enjeu doit être abondamment abordé, expliqué et considéré à la hauteur de sa gravité.
Pour avoir quelques chiffres en tête :
– + de 300 000 décès prématurés sont liés aux particules fines en Europe, 40 000 environ rien que pour la France
– 6,5 millions de décès chaque année sont provoqués par la pollution de l’air dans le monde, ce qui en fait un des principaux risques de santé mondial
On est donc face à un sujet majeur qui est à la fois une question de santé publique et une question environnementale. On ne s’étale pas davantage, vous aurez à travers Vivian et POW des nouvelles de ce projet dans les temps à venir. En attendant, on remercie Vivian pour son engagement et sa prise de parole.
Les athlètes ont le pouvoir de porter des projets ou de donner un écho à des mobilisations. Ensemble, avançons dans la même direction, celle de Protéger nos Hivers !