Aventures Sans Voiture: Des Lyonnais dans la Vallée des Belleville
Aventures Sans Voiture: Des Lyonnais dans la Vallée des Belleville
par Corentin Digne
Février 2021
Récit d’une aventure sans voiture en Vallée des Belleville.
L’équipe de bénévoles de Lyon s’est donnée comme projet de rejoindre les Alpes en tentant de réduire au maximum son impact carbone lié au transport. Ce weekend, inutile de charger le coffre de la voiture, on fera sans.
Des copains, de la bonne humeur, du soleil, et une paire de pow de phoque : voilà la recette d’un week-end réussi avec la POW Family. Menu du jour : cuillères de kiff pour tout le monde.
6h10. Le réveil sonne. C’est rude, mais le simple fait de se savoir bientôt en montagne facilite grandement la sortie du lit. Quand il s’agit de rejoindre nos belles montagnes, on veut bien sacrifier une bonne grasse matinée. Ce weekend, c’est une aventure sans voiture avec les copains de POW qui nous attend.
Fort de constater que le transport constitue la plus grande part des émissions de CO2 des stations de ski (57% – source : ANMSM/ADEME), il nous a paru intéressant d’essayer de rejoindre nos belles montagnes en réduisant au maximum notre empreinte carbone. En effet, engagé dans la lutte contre le dérèglement climatique, j’estime avoir un mode de vie plutôt “raisonnable” et relativement économe en carbone. Seule ombre au tableau, des allers-retours, en voiture, fréquents entre Lyon et les Alpes. Dès lors, quelles alternatives ? Pour l’équipe de bénévoles lyonnais, l’option vélo ski semble un peu délicate (se lever tôt ne suffira pas, il faudra partir 2 jours avant). C’est donc tout naturellement que nous nous sommes tourné.es vers le train.
1ère étape – L’approche. La marche d’approche en ski de randonnée peut parfois sembler un peu longue. Mais elle est nécessaire pour atteindre des lieux parfois plus reculés et d’autant plus grandioses. Notre approche : un peu plus de 200 km et 3 départements à parcourir : le Rhône, l’Ain, et finalement la Savoie.
Afin de rejoindre la gare de Lyon Part-Dieu, mon voyage débute par un enchaînement bus/métro. Un trajet multimodal. Sac à dos plein à craquer, la housse de skis dans une main et la paire de chaussures dans l’autre, je retrouve Marie, Lou et Claude-Andréas sur le quai. Malgré l’heure matinale, on devine dans nos petits yeux pas très éveillés que les sourires sont déjà bien présents sous nos masques.
8h08. Départ du TER n°883204 à destination de Moutiers Salins Brides-les-Bains. L’aventure peut commencer. L’enthousiasme et l’énergie débordante de l’équipe font presque oublier que la nuit à été courte. Arthur, puis Suzie, Maëlle et Clément, montent dans le train successivement à Aix-les-Bains et Chambéry. L’équipe est au complet.
En prenant le train, nous avons choisi de prendre le temps. Et ce n’est pas désagréable. Les rayons du soleil rasant du début de journée donnent aux paysages que nous parcourons une couleur toute particulière. Le Lac du Bourget se réveille sur notre passage. Spectacle sublime qui nous rappelle la chance que nous avons de pouvoir en profiter. Un bonheur. Les premiers massifs se dessinent et font émerger quelques fourmis dans les jambes. On se laisse bercer par le rythme du rail en s’imaginant gravir les sommets que nous apercevons par la fenêtre. En prenant le temps, nous avons également choisi de se rendre compte de la distance parcourue. Certains trouveront certainement que 3h de TER, c’est long. Mais avec une telle équipe et de tels paysages en guise de décor, je vous assure qu’on ne s’ennuie pas.
Nous arrivons à Moutiers peu après 11h. Notre autocar nous attend pour boucler les derniers kilomètres qui nous séparent de notre camp de base. Nous sommes agréablement surpris.es de constater que la navette est pleine : nous ne sommes visiblement pas les seul.es à se passer de voiture pour monter en station (n’oublions pas qu’il s’agit d’un weekend de vacances scolaires). En revanche, nous sommes bien les seul.es à transporter des skis, ce qui semble en intriguer plus d’un.e. J’en entends même certain.es se demander si l’on ne devrait pas nous rappeler que les remontées mécaniques sont fermées. Inutile de rappeler que, chez POW, le dénivelé se mange à l’aide de nos pow de phoque.
Très rapidement, le fond de vallée laisse la place aux cimes enneigées. Mais les douces températures des derniers jours ont marqué le paysage : le manteau neigeux a considérablement réduit à basse altitude. Pour les skieuses et skieurs que nous sommes, ça fait forcément mal au cœur de voir disparaître toute cette neige aussi vite qu’elle est tombée.
La vallée des Belleville nous accueille sous un soleil radieux peu après midi. Arrivé.es à destination, nous découvrons le superbe camp de base que nous propose Marie, caché au milieu des petites ruelles de Praranger. Le temps de poser notre chargement, de se ravitailler, et nous voilà sur les skis vers 14h. Il paraît qu’il convient d’être matinal pour partir en montagne. Le réveil a pourtant sonné à 6h mais je crois que nous n’avons pas totalement saisi le concept chez POW.
Févravril
Au programme, petit échauffement avant la rando du lendemain : nous nous satisferons d’une petite montée sur le domaine skiable, histoire de se dégourdir les pattes. La bonne humeur, le soleil, et les pow de phoques sont au rendez-vous. On ne se plaindra pas du temps magnifique, pas un nuage à l’horizon, mais nous sommes frappé.es par une chaleur digne d’un mois d’avril. Les températures particulièrement hautes pour la saison posent question, nous sommes pourtant en plein de mois de février. Ou de févravril, on en perd un peu la tête. Conséquences : les tee-shirts et la crème solaire sont de sortie.
Après 2 bonnes heures de montée, notre descente est motivée par l’animation du front de neige. Le vin chaud nous attend en guise de récompense pour conclure la journée sur un petit d’air du monde d’avant.
Crédit: Arthur Vaillant Crédit: Lou Gomez
Dimanche au soleil, dimanche merveille
La Pointe de la Fenêtre culmine à 2268m, ce sera notre destination dominicale.
Cette fois-ci, nous tournons le dos au domaine skiable pour nous évader vers des horizons que les pylônes de télésiège n’ont pas encore conquis. Nous partons quasiment avec les skis aux pieds de la maison, grand luxe !
Après deux barres céréales, plusieurs conversions et toute l’énergie de la croziflette de la veille convertie en D+, c’est un splendide panorama qui récompense nos efforts. Vue directe sur le Mont Blanc. Pas besoin de pic-nic, chez POW on se nourrit de cuillères de kiff. Et c’est un régal. Le sentiment de bonheur que procure la montagne fait presque oublier la fatigue qui commence à se faire sentir dans les pattes.
Vient l’heure de la descente. On embarque le panorama dans un coin de sa tête et il est temps de se faire bercer par la gravité. En ski de randonnée, la montée “by fair means” donne à la descente une saveur toute particulière. Et si, étant donné les conditions, certain.es retiendront l’adjectif “irrégulière” pour qualifier la qualité de descente, on profite simplement de l’instant présent. Ce qui est certain, c’est que ce n’était pas les conditions de l’année. Les quantités astronomiques de neige tombées en janvier semblent déjà bien loin. En revanche, cela n’a rien enlevé à la beauté de nos montagnes et au bonheur d’une petite bambée (comme diraient nos amis savoyards) rondement menée. Que voulez-vous, la montagne ça vous gagne ! Des copain.es, du soleil et une belle sortie en ski, la journée tient toutes ses promesses.
De retour au QG en début d’après-midi, il est déjà temps de penser au retour. Nous attrapons notre navette à 15h20 pour redescendre sur Moutiers. Le temps de trajet nous permet de faire le bilan du weekend, et surtout de penser au prochain épisode. Nous retrouvons la cité lyonnaise sur les coups de 20h. Le record du temps de trajet est détenu par Lou, qui rejoint son chez-soi dans les environs de St-Etienne vers 22h, après un ultime train.
Le train permet un rapport au temps et à la distance différent de celui d’un trajet à 130km/h sur autoroute. Ces deux jours bien remplis m’en ont paru durer davantage, et le temps passé dans les transports ne nous a pas empêché d’apprécier pleinement notre weekend.
En guise de conclusion, le weekend a été très bon et la voiture est restée au garage. L’objectif est atteint. Alors oui, au regard d’un weekend, le temps de trajet est conséquent. Néanmoins, la logistique n’était finalement pas si compliquée et reproduire un tel projet trouverait tout à fait son sens en partant une semaine complète, ou finalement, passer un peu plus de temps dans les transports n’aurait que très peu d’influence sur le temps sur place. Ce weekend a pu nous permettre de se rendre compte qu’avec un peu de bonne volonté, il n’est pas si difficile de s’organiser sans voiture. Des solutions existent. Celles-ci peuvent certes, et doivent, être améliorées (fréquence des horaires, tarifs des navettes, etc.), mais ont le mérite d’exister et de fonctionner.
Avec ce weekend, nous n’avions pas la prétention d’abandonner complètement la voiture. Mais simplement de montrer qu’il est possible de s’en passer et progressivement, faire tomber le culte de la voiture. Et pour qu’à terme, une aventure sans voiture ne soit finalement plus qu’une aventure tout court.
Nos montagnes sont belles, prenons-en soin !
Afin de se rendre compte concrètement de l’impact carbone de son trajet, l’ADEME propose un calculateur d’émissions de carbone en fonction du mode de transport.
Le “coût carbone” de notre trajet est estimé à 5.8kg eqCO2 (4.9 pour 200km de TER + 0.9 pour 25km d’autocar), tandis qu’il s’élève à 9.7kg eqCO2 en supposant 4 copains dans une seule voiture (pour 200km). Soit une économie carbone de 40% !
Ce chiffre grimpe à 55 et 69% en comptant respectivement 3 et 2 passagers.